Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trou, qu’il l’attaque & le saisit ; s’il a sur lui un avantage considérable du côté de la force, il s’en joue & s’en amuse pendant quelque temps pour insulter à son malheur. Le jeu commence-t-il à l’ennuyer, d’un coup de dent il le tue, souvent sans nécessité, lors même qu’il est le plus délicatement nourri. Ce caractère méchant sans avantage direct, indocile & destructeur par caprice, feront toujours du chat un traître dont on profite sans l’aimer. Le traitement le plus doux, les soins les plus marqués ne peuvent le fixer & détruire en lui ce naturel indépendant & à demi-sauvage ; l’éducation même, perpétuée de race en race, ne l’a point altéré ; & le chat seul, de tous les animaux que l’homme a réduits à l’esclavage, a conservé cette fierté & cet amour de la liberté qu’il avoit au milieu des forêts. Dans l’enceinte même de nos murs, ce sont les greniers, les toits, les endroits déserts & retirés qui sont son séjour ordinaire. Habite-t-il une maison des champs, la vue de la campagne ranime bientôt dans son cœur le goût de la chasse, l’amour de la guerre ; il part seul ou quelquefois avec un compagnon de rapine, & portent de tous côtés le ravage & la désolation. Tantôt grimpé sur un arbre, il enlève du nid les petits oiseaux, & caché par quelques branchages, il attrape la mère qui venoit apporter de la nourriture à ses petits infortunés. Tantôt pénétrant dans les retraites des lapins, il les poursuit jusqu’au fond de leurs terriers. Une garenne qu’il affectionne est bientôt ravagée, & dépeuplée. Souvent il arrive que ces succès enflamment son courage, & lui rendent totalement son esprit d’indépendance ; alors il abandonne les habitations, vit au fond des bois, redevient sauvage ; & la génération suivante reprend insensiblement tous les premiers caractères du chat sauvage.

Le chat sauvage, quoiqu’il soit d’une seule & même espèce que le chat domestique, & qu’il produise avec lui, a des caractères qui le font distinguer. Il a le col un peu plus long, & le front plus convexe, d’une taille toujours avantageuse, son air est plus fier ; il semble porter sur toute sa figure cette empreinte originale de noblesse & de fierté que la société n’a point altéré. Son poil est plus long & plus doux que celui des chats qui vivent dans nos climats depuis plusieurs générations ; car le poil du chat d’Angora est plus long que celui du chat sauvage. Sa couleur est un mélange de feutre, de noir & de gris blanchâtre ; il a quelques anneaux noirs autour de la queue & sur les jambes ; le tour de la bouche est blanc, mais les lèvres & la plante des pieds sont noirs.

On distingue en général trois variétés principales parmi les chats domestiques, les chats d’Espagne, dont la couleur rousse, vive & foncée est le principal caractère qui les distingue ; ils ont aussi des taches blanches & des taches noires distribuées irrégulièrement. On prétend, avec vérité, que le chat d’Espagne mâle n’a jamais les trois couleurs, & qu’il n’a que du blanc ou du noir avec le roux ; les femelles, au contraire, ont toujours les trois, ce qui rend leur peau plus belle & plus recherchée. La seconde variété est le chat chartreux, dont la couleur est d’un