Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/173

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l’hiver, pousse sa radicule, & dès que la saison le permet, on le tire du sable avec précaution, afin de ne point endommager cette radicule ; & avec la même précaution, on le place dans des panniers ou sur des claies, afin de le transporter vers le sol préparé pour le recevoir. Quoique cette précaution semble assurer la reprise & la végétation, il est prudent de placer deux châtaignes ensemble, afin que si l’une manque par une cause quelconque, l’autre la supplée, sauf à arracher un des deux plants, si le besoin l’exige ; & on laisse toujours le meilleur.

Je préfère la méthode que je viens de décrire, à la même qui s’exécute en plein air. Elle consiste à former une stratification sur un terrein sec, avec de la terre meuble, sur une épaisseur de trois pouces pour chaque lit : enfin, le tout recouvert par un lit de terre de six pouces, & suivant le besoin, garanti avec de la paille. Ce dernier expédient empêche rarement l’humidité de pénétrer la masse ; dès-lors la moisissure & la corruption des germes, quoiqu’on ait eu la précaution de faire suer les châtaignes pendant trois semaines ou un mois avant de les stratifier.

II. Des semis pour les forêts de châtaigniers. Il seroit absurde de défricher une étendue considérable de terrein, dans la seule vue de planter des châtaigniers à vingt, trente ou quarante pieds les uns des autres. Les trois méthodes indiquées des semis donnent les moyens d’établir des forêts, par les seuls pieds qu’on y laisse, fournissent une masse considérable de jolis sujets à replanter ailleurs ; enfin, permettent le choix des plus beaux & des mieux venus, destinés à créer la forêt.

Dans la première méthode, on peut, après la troisième ou quatrième année, supprimer le rang intermédiaire que j’ai dit être éloigné de trois pieds de son voisin ; dès-lors ce rang voisin sera distant de l’autre de six pieds, espace suffisant à l’extension des racines. À la huitième année, on supprimera encore un rang ; & si les racines sont bien ménagées, chaque pied sera dans le cas d’être planté de nouveau. Par cette suppression, voilà un espace de douze pieds, bien suffisant & proportionné au volume de l’arbre & à l’accroissement que doivent prendre les racines. Si on ne veut pas replanter les arbres arrachés, ils feront de bons échalas ou des cerceaux ; dès-lors le terrein n’aura pas été employé inutilement, & le produit dédommagera amplement des premières dépenses. Dès que les branches des arbres laissés sur pied commenceront à se rapprocher & à se toucher, c’est le cas de supprimer encore un arbre à chaque rangée, & ceux qui resteront en place se trouveront éloignés les uns des autres de vingt-quatre pieds ; enfin, le temps venu, on les espacera de quarante-huit pieds, & l’arbre acquerra la plus grande force. Si l’abatis fait après la douzième année donne déjà un bénéfice réel, que ne doit-on donc pas attendre du produit des abatis suivans !

III. Des pépinières. Ce que j’ai dit des semis de la première & de la troisième méthode, donne, en général, l’idée de la pépinière, & dans le besoin, on pourroit les regarder comme tels ; cependant la pépinière