CHAPITRE VIII.
De la Préparation des Châtaignes.
La châtaigne fait une des principales ressources pour la nourriture des habitans des montagnes pendant plusieurs mois de l’année, & souvent leur unique nourriture.
On les prépare, soit vertes, soit sèches, en les faisant cuire simplement dans l’eau, quelquefois un peu salée, quelquefois avec des feuilles de céleri, de sauge, &c. suivant le goût des particuliers. Les vertes sont cuites ainsi, soit enveloppées de leur écorce, soit lorsqu’elles en sont dépouillées. La seconde manière est de les rôtir à la flamme dans une poêle de fer ou de terre percée de trous ; la troisième, sous la cendre chaude ; la quatrième, dans un moulin à rôtir le café ; mais, dans ces trois cas, l’écorce de chaque châtaigne doit avoir été légèrement coupée avec un couteau, & il faut que la coupure pénètre jusqu’à la substance blanche du fruit. On court risque, sans cette précaution, de les voir éclater avec force, & la substance de la châtaigne dissipée avec les cendres & les charbons allumés, que l’explosion entraîne au loin. Lorsqu’on se sert du moulin à café, elles cuisent plus également, leur goût est moins altéré, & il faut avoir le soin d’y laisser une châtaigne entière, dont l’écorce ne soit pas coupée comme les autres : dès que celle-ci éclate, elle annonce que les autres sont cuites, qu’il est temps de retirer du feu le tambour du moulin, & d’en sortir les châtaignes.
Dans plusieurs provinces, soit du royaume, soit de l’étranger, la châtaigne séchée sur les claies est portée au moulin à blé, & réduite en farine. On l’entasse dans des pots de terre bien bouchés, & elle s’y conserve pendant plusieurs années. C’est avec cette farine qu’on prépare des espèces de galettes que les Corses, nomment la polenta, c’est-à-dire, la farine de la châtaigne cuite dans l’eau, & continuellement remuée jusqu’à ce que le tout ait acquis une consistance tenace qui ne s’attache plus au doigt. Quelques-uns substituent le lait à l’eau, pour varier les assaisonnemens. Le désir de satisfaire le goût par la diversité des apprêts, a fait imaginer, en Limosin, une préparation, au moyen de laquelle le fruit acquiert un goût & une saveur très-agréables. Elle est fondée sur les principes d’une physique toujours admirable dans les procédés les plus communs : on en doit la description au même M. Desmarets. »
« On commence par peler les châtaignes, en ôtant la peau extérieure : cette opération se fait dès la veille du jour où l’on se propose de faire cuire les châtaignes. Les domestiques dans les maisons des particuliers, & les ouvriers dans les métairies, s’occupent de ce soin pendant la veillée. »
» Ils détachent assez facilement, avec un couteau, la peau extérieure par partie ; mais il n’en est pas de même de la pellicule intérieure qui est adhérente à la substance de la châtaigne, & qui est comme collée par-dessus, parce qu’elle s’insinue dans les sinus profonds de ce fruit, & en revêt les parois. Voici les procédés employés pour dépouiller la châtaigne de cette pellicule, appelée tan en Limosin. »
« On met pour cela de l’eau dans