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novembre de l’année suivante ; après cette époque, la chaux est enfouie & laissée dans la terre en cet état tout l’hiver, pendant lequel la gelée & les pluies ameublissent & préparent la terre pour le prochain labour du printemps, & la rendent propre à recevoir de l’orge.

Cette méthode est préférée à celle de répandre la chaux en poudre, parce que de cette dernière façon elle est sujette à être emportée par le vent, au grand détriment des hommes & des chevaux.

La chaux étant placée au mois d’octobre sur une forte terre labourable qui a été quelques années en herbage, & continuant à s’y étendre pendant environ douze mois avant que d’être enfouie, on a trouvé qu’elle changeoit l’herbe en beau trèfle naturel ; qu’en y mettant paître des brebis ou du gros bétail, la terre avoit payé, dès la première année, la dépense par le produit de l’herbe : le bétail aime mieux paître sur ce terrein que sur un autre, & y devient plus gras.

Je ne pense pas que M. Lummis croie à la transformation d’une plante en une autre, par le moyen de la semence ; l’expression du traducteur est impropre ; l’auteur a surement voulu dire, que la chaux faisoit périr les plantes, que nous appelons mauvaises herbes, & qu’elle favorisoit la germination & la végétation des trèfles ; ce qui suppose un climat naturellement humide, & non pas sec comme celui des provinces méridionales de France, de l’Espagne, de l’Italie, &c.

Si le terrein est léger, d’un grain peu serré, on peut, s’il a été semé en chaux en octobre, le labourer au mois de mars suivant : d’après l’une ou l’autre manière, elle améliore si bien le terrein & son gazon, que l’on peut en attendre les meilleures récoltes pendant trois ou quatre ans ; & en y mettant un peu de fumier la quatrième ou cinquième année, on pourra obtenir deux ou trois récoltes de plus ; après quoi le terrein se trouvera en très-bon état, pour y semer de la graine de foin.

M. Duhamel du Monceau, que je me fais un devoir de citer souvent, décrit, dans son Traité de la culture des terres, la méthode usitée dans les environs de Bayeux en Normandie. C’est lui qui parle :

« Quand on se propose de semer du sarrazin, on a coutume de défricher les pâturages au mois de mars ou d’avril, ou de briser la terre qui est restée en pâture depuis trois ou quatre ans. »

» Comme la terre est alors très-raffermie, on enfonce modérément la charrue : peu de temps après, on porte la chaux dans le champ ; car il est bon d’être averti, que dans une partie de la Normandie, on fertilise les terres avec la chaux, & qu’elle y tient lieu de fumier. »

» On fait voiturer la chaux vive en pierre, sortant du fourneau, dans le champ qui a été brisé ou défriché, & il en faut mettre quarante boisseaux par chaque vergée ; (mesure de terre de quarante perches quarrés, & la perche a vingt-deux pieds de longueur ; le boisseau de froment pèse environ cinquante livres, mais celui de la chaux en pèse cent ;) ainsi, chaque perche doit contenir en tas un boisseau de chaux, & chaque tas est placé à une distance