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immobiles, paroissent mortes tant que le froid continue. Dans le mois de mars, lorsqu’il commence à faire un peu chaud, elles en sortent pour se répandre sur l’arbre, afin de ronger les jeunes feuilles à mesure qu’elles vont paroître. Si la chaleur continue, elles prennent promptement leur accroissement ; on a bien de la peine alors à les détruire, parce qu’elles sont répandues par-tout : on n’a plus d’espérance que dans les pluies froides qui les font mourir, & dans les oiseaux qui en dévorent beaucoup.


Article II.

Chenilles arpenteuses.


Il y a deux classes de chenilles arpenteuses, qu’on distingue sur-tout par le nombre de leurs jambes membraneuses, & par la variété de leurs couleurs. La première classe est de celles qui ont dix jambes ; six écailleuses, deux postérieures, deux intermédiaires. La seconde comprend celles qui ont douze jambes ; six écailleuses, quatre intermédiaires, & deux postérieures. Le corps de ces espèces de chenilles est long, effilé, d’une couleur verte, plus ou moins foncée, selon l’âge de l’insecte, ou l’époque où il doit changer de peau. Les arpenteuses à douze jambes ont quatre raies citron, qui règnent dans toute la longueur de leur corps. On ne s’apperçoit pas toujours des dégâts qu’elles sont capables de faire, & qu’elles font réellement ; parce qu’assez communément elles habitent les forêts. Il y a cependant des années où elles sont répandues par-tout, & dévorent toutes les feuilles des arbres & des plantes, Le printemps est la saison où ces espèces de chenilles sont très-communes : vers la fin du mois de mai, elles disparoissent pour aller se métamorphoser en chrysalide dans les trous des murs, ou dans le creux des arbres. Le papillon qui sort de la chrysalide des chenilles de cette espèce, est de la seconde classe des nocturnes. La couleur de son corps & du dessous de ses ailes, est d’un gris plus brun que le cendré, ainsi que le dessus des ailes inférieures : le dessus des autres est nuancé de rouge, de jaune, de gris & de brun. On apperçoit sur ces mêmes ailes une tache d’un jaune brillant, qui a presque la figure d’un Y. La femelle de ces papillons pond des œufs en forme de bouton, qu’elle place de côté & d’autre, où elle se trouve ; ce qui met dans l’impossibilité de les détruire, par la difficulté de les découvrir. On a chaque année au moins deux générations de ces insectes : la dernière fait sa ponte au mois d’août ; au mois de mai de l’année suivante, elle est en état de produire d’autres individus de son espèce, qui pondront comme elle au mois d’août.

M. de Réaumur, dans le huitième mémoire du second volume de l’Histoire des Insectes, rapporte tous les dégâts que firent les arpenteuses à douze jambes, en 1735. Il en parut une quantité étonnante aux environs de Paris, & dans plusieurs provinces de la France, qui attaquèrent les légumes, les plantes potagères, qu’elles dévorèrent tellement, qu’on ne voyoit plus que la tige & les côtes des feuilles. Tous les jardins furent dévastés, de même que les campagnes semées de haricots & de pois. Il étoit fort ordinaire de trouver des