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Section II.

Quel est le but de tout Haras ?


Le but de tout haras est l’augmentation de l’espèce, ou la correction des défauts de la race dominante. La nature paroît avoir attaché à chaque pays, l’espèce & la race d’animal qui lui est propre, & la plus relative à ses besoins : un pays, par exemple, dont le sol est humide ou marécageux, sous un ciel triste, froid & nébuleux, qui ne produit qu’une herbe grossière & de mauvaise qualité, ne peut point donner des chevaux fins, vifs & légers, & de la qualité des chevaux arabes ou barbes. Ces races, quelques soutenues qu’elles pussent être, ne pourroient que dégénérer ; il en seroit de même si, dans l’Arabie ou dans la Barbarie, on vouloit y transporter des chevaux de voiture ou de labourage. La nature cependant nous indique, par elle-même, les moyens d’affoiblir & de corriger certains défauts attachés à quelques pays ou cantons : l’expérience prouve que si l’on donne à une jument, dont la tête est grosse, pesante & charnue, un étalon à tête fine, sèche & légère, le poulain qui naît de cette union, a cette partie moins grosse que celle de la mère, en approchant de celle du père ; mais que si ce défaut est attaché au pays, au canton, que si c’est le vice dominant de la race, il faut la combattre sans cesse, en se servant d’étalons étrangers. Sans cette précaution, la race retomberoit bientôt dans son premier état, par les influences perpétuellement agissantes du sol & du climat : de-là le principe fondamental de tout haras, le croisement de races, sans lequel il est bien possible d’augmenter le nombre des individus, mais jamais de les perfectionner.


Section III.

Des connoissances que l’on doit avoir dans l’établissement d’un Haras.


Dans l’établissement d’un haras, il est essentiel de connoître parfaitement la nature du terrein, & le climat du pays ou du canton où l’on forme cet établissement. Ce n’est que par la combinaison de l’un & de l’autre, que l’on peut déterminer la race des chevaux qui doit y réussir & se soutenir. Les climats chauds, les terreins secs, montagneux, fertiles en pâturages fins, produisent des chevaux de légère taille, qui ont de la finesse, du nerf & de la vivacité, des chevaux de selle, tandis que des climats froids, des prairies grasses, fraîches & abondantes, ne donnent que des chevaux de trait, plus ou moins étoffés, suivant les degrés de température ordinaire, & les qualités plus ou moins marquées du sol. L’étendue, la nature du terrein, le climat & la température ayant déterminé le nombre & la quantité d’étalons dont le haras doit être composé, il faut partager le sol en plusieurs enclos, fermés de haies ou d’autres barrières. L’un sera destiné pour les jumens qui n’ont pas été saillies ; l’autre pour celles qui allaitent, & le dernier ou le troisième, pour les poulains sevrés. Il est avantageux qu’un ruisseau traverse les parcs, & qu’il y ait des arbres pour que les chevaux puissent s’y abreuver, & se mettre à l’ombre ; qu’il y ait des hangars pour servir