Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/344

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L’instrument dont on se sert pour cela, est un gros bâton, d’environ cinq à six pouces de diamètre, ou un grand & fort battoir de beurrière. Les grains de carvi sont préférables au genièvre : en effet, ils sont très-nourrissans ; & toutes les nations tartares, après les avoir moulus, les font cuire avec le lait de leurs jumens ; d’ailleurs, ils donnent, par la fermentation, une plus grande quantité d’air fixe. (Voyez ce mot) Ils ont la propriété de rendre le lait aux nourrices qui n’en ont plus ; & ces dernières qualités suffiroient seules pour leur donner la préférence sur le genièvre. Si la futaille, dans laquelle on prépare le saur-krout, a contenu du vin, de l’eau-de-vie, du vinaigre, la fermentation réussit mieux, & procure au saur-krout un goût plus vineux. Quelquefois on frotte l’intérieur du tonneau avec le levain du saur-krout, pour l’accélérer ; mais on peut omettre cette précaution, si on a assez de temps pour que les choux passent par une fermentation graduelle. On conduit ensuite le tonneau dans une température modérée, &, s’il est possible, de plus de cinquante à soixante degrés du thermomètre de Fahrenheit ; ce qui revient à peu près de treize à seize degrés de celui de Réaumur. Ce degré de chaleur hâte beaucoup la fermentation vineuse. Dès que le saur-krout commence à être acidulé, ce qui arrive en dix, douze ou quatorze jours, suivant le degré de chaleur dans lequel on tient ce tonneau, on peut le retirer dans le cellier où on veut le garder. Dans le commencement, on trouve une certaine quantité de jus au haut des choux en fermentation, & on fait avec un bâton un trou au milieu du tonneau, pour que la liqueur en fermentation circule mieux. Si le chou est destiné à un long voyage de mer, on l’ôte de son jus ; & quand il est dans cet état de sécheresse, on en remplit d’autres futailles, où on a soin de le comprimer ; mais si on veut le consommer sur les lieux, on couvre le sommet du tonneau avec un couvercle bien propre, sur lequel on met un gros poids, pour comprimer le chou fermenté. Cette préparation est très-recherchée en Allemagne, en Danemarck, en Suède, en Russie ; & à peine est-elle connue en France, hors des provinces de Flandre, d’Alsace & de Lorraine.

II. Des propriétés économiques, relatives aux animaux. Plus la saison rigoureuse d’hiver est longue dans un pays, plus l'on doit multiplier les espèces de choux que l’on peut tenir en réserve, ou celles qui ne craignent point le froid. Tels sont les choux verts & blonds à grosses côtes, le colza, le pancalier, le chou en arbre ou chou chèvre. Le mouton, la brebis, nourris au sec pendant l’hiver, fondent leur suif suivant l’expression des bergers ; mais si on leur donne quelque peu de verdure, ils conservent leur embonpoint. (Voyez l’article Mouton) On voit par-là quelle ressource précieuse offrent les différentes espèces de choux, de raves, navets, carottes, betteraves, &c. Le passage presque subit de la nourriture en verd à celle du sec, produit sur eux les plus mauvais effets, surtout si les pluies, la neige & les frimats les contraignent de rester pendant longtemps à l’érable, tandis que, par la nourriture mixte, ils s’apperçoivent à peine de leur repos forcé.