Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venteux, plus indigestes, lorsqu’on les mange aussitôt après qu’ils ont été coupés dans le jardin, & portés dans nos cuisines : mais si on donne le temps à leurs feuilles de laisser évaporer l’air de végétation, ou l’air fixe (voyez ce mot) qu’elles contiennent ; en un mot, si on les laisse se faner pendant plusieurs jours, alors ils n’occasionnent aucun rapport désagréable, aucun vent dans l’estomac, aucun borborygme dans les intestins, & ne troublent en aucune manière la digestion. Quant aux choux d’hiver, éprouvés & attendris par le froid, la gelée a produit sur eux ce que la dessiccation, ou plutôt la flétrissure des feuilles a opéré sur les choux d’été. De ce que je viens de dire, & que je certifie constant, d’après ma propre expérience, à moins que mon estomac ne soit différent de celui des autres, on peut établir cette règle générale : le chou, mangé trop frais, donne un aliment moins salutaire que le chou dont les feuilles sont fanées, ou qui n’ont pas éprouvé la gelée. Cette simple observation prouve que les auteurs d’un sentiment opposé avoient également raison. Il auroit été plus prudent à eux d’examiner pourquoi les choux étoient sains ou mal-sains.

On regarde en Allemagne la saumure, ou jus du saur-krout, comme un remède souverain pour guérir les inflammations naissantes de la gorge, & pour les brûlures. Le simple vinaigre, étendu dans l’eau, seroit peut-être un remède préférable.

Le chou le plus communément employé en médecine, est le chou pomme rouge. La saveur de ses feuilles est fade, légèrement âcre ; elles nourrissent, tiennent le ventre libre, rendent l’expectoration plus facile dans la toux essentielle, la toux catarrale, l’asthme pituiteux, & la phtisie pulmonaire essentielle. Il vaudroit mieux lui préférer l’usage de la grosse rave. (Voyez ce mot)

On donne le suc exprimé des feuilles, depuis demi-once, jusqu’à trois onces, & la décoction des feuilles, depuis demi-once, jusqu’à quatre onces, dans six onces d’eau.

On prépare avec ses feuilles récentes un sirop jaunâtre, d’une odeur nauséabonde, d’une saveur fade & douce, très-légèrement âcre, dont la dose est depuis demi-once jusqu’à deux onces, seule, ou en solution dans cinq onces d’eau. Pour le composer, on fait cuire au bain-marie deux livres de feuilles récentes dans une livre d’eau de fontaine ; il faut passer, exprimer légèrement, clarifier la colature avec quelques blancs d’œuf, & filtrer ensuite & faire fondre dans une livre de cette colature, deux livres de sucre blanc.


CHAPITRE VII.

Observations détachées sur les Choux.


Ils formoient autrefois une branche de commerce très-considérable en Italie. Les habitans des pays montagneux du royaume se pourvoyoient de jeunes plants dans la plaine. On doit juger par-là de leur prix, & des avantages d’y avoir de grands semis. J’en ai vu transporter à plus de dix lieues. La ville de Saint-Brieux vend annuellement à peu près pour cent mille écus de ces jeunes choux. Ils sont exportés, pour la plupart, aux îles de Jersey, de Guernesey, & en Angleterre. Il en est ainsi des