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bout desquels il fermente très-fort. Toute la lie monte comme l’aine du vin ; & quand on voit que cette croûte commence à s’abaisser, il est temps de tirer le cidre, & de le porter dans les futailles. Par ce moyen, il ne se trouve point dans la futaille cette affreuse quantité de lie, dont les cidres des paysans sont surchargés, &c, le cidre ne s’aigrit pas si promptement ; il est plus clair, & sa couleur est plus belle & plus nette.

La méthode de M. de Chambray se rapproche beaucoup de celle dont on fait les vins rouges ; & la méthode de M. d’Ambournai, de celle dont on fait les vins blancs. Je serais porté à croire la première préférable, surtout si la cuve est presque pleine, & recouverte, afin d’empêcher l’évaporation de l’air fixe, qui se trouve, au moyen de la couverture, obligé de se recombiner avec la liqueur fermentante ; mais si la cuve n’est pas recouverte, je pense que le cidre se conservera moins.

Si. les cidres, par la nature du terrein, ne sont pas suffisamment colorés, continue M. de Chambray ; ce qui arrive souvent, il faut laisser le mâquer, les pommes pilées, pendant quelques heures, c’est-à-dire, différer d’en faire sortir le jus après qu’elles sont pilées. Par ce moyen, on donne au cidre autant de couleur qu’on juge à propos.

Ne pourroit-on pas traiter le cidre comme le vin ? Lorsqu’on veut l’avoir plus coloré, & surtout dans les années pluvieuses, on ajoute la pellicule des grains de raisins à la masse de celle qui fermente, & même la pellicule des grains de raisins déjà fermentés & pressés, Quoique l’esprit ardent ait déjà enlevé, lors de la fermentation, une grande quantité de la résine colorante, il en reste encore assez dans cette pellicule. D’après l’analogie, ne pourroit-on pas peler une certaine quantité des pommes les plus saines, quoique très-mûres & très-colorées, & les jeter dans la cuve en fermentation ? L’esprit ardent qui s’y forme, dissolveroit la partie colorante attachée à ces pelures.

Quand les tonneaux sont pleins, il faut les laisser sans les bonder, ainsi qu’il a été dit ; mais les ayant bondés, il faut regarder souvent aux futailles, pour leur donner de l’air, s’il est besoin ; car souvent les cidres font sauter les cercles, surtout si on a bondé trop tôt. Les Parisiens ne trouvent jamais le cidre assez doux : si on veut en avoir qui conserve sa douceur très-longtemps, qui mousse bien, & qui ait une très-belle couleur, il faut mettre plein un grand chaudron de fer ou de cuivre, contenant à peu près trois seaux de cidre sortant du beslon, le faire bouillir sans interruption, depuis le matin jusqu’au soir, en sorte qu’il se réduise en un sirop épais. Lorsque ce sirop est à peu près à son degré de cuisson, on y jette une demi-livre de bon miel ; on le fait encore bouillir un peu, & on jette le sirop par le trou de la bonde d’une pipe qui contient cinq cents pintes. On la roule sur tous les sens ; on entonne dedans le cidre sortant de la cuve : au bout de très-peu de temps, on a du cidre très-clarifié, très-doux, piquant & agréable. Cette recette est encore meilleure pour des cidres qui n’ont pas beaucoup de qualité par eux-mêmes ; elle seroit très-inutile à