Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

& qu’elles en font une consommation qui paroît étonnante.

Il s’étoit assuré que dans une ruche de dix-huit mille abeilles, chacun faisoit par jour quatre à cinq voyages, ce qui faisoit environ quatre-vingt-quatre mille par jour, qui devoient produire un pareil nombre de boules de cire brute, à réduire même les choses à moitié : il pesa huit de ces boules de cire, qui donnèrent le poids d’un grain. En divisant 84000 par 8, on a donc le poids des boules de cire ramassées dans une journée qui est de 10500 grains : or, la livre n’est composée que de 9216 grains : sa récolte de cire brute faite dans une journée pèse par conséquent plus d’une livre. Il y a dans une année plusieurs jours d’une récolte aussi abondante ; souvent il y en a plus de quinze depuis le mois de mai jusqu’à la fin de juin, & dans les jours les moins favorables elles ne laissent pas d’en apporter une certaine quantité. Pendant six à sept mois qu’elles sortent, elles doivent donc en faire une provision très-grande : cependant si au bout de l’année on sort la cire d’une ruche, à peine y trouvera-t-on quelquefois deux ou trois livres de cire. Les abeilles n’extraient par conséquent qu’une très-petite portion de cire de cette immense quantité de poussière des étamines qu’elles ramassent ; la plus grande partie sert à les nourrir, & sort ensuite de leurs corps en forme d’excrémens. Il faut encore remarquer que les faux bourdons, dont le nombre est souvent de huit à neuf cens & plus, ne mangent que du miel, du moins on n’a jamais trouvé dans le conduit ni dans le dépôt des alimens, de la cire brute, quelque nombre qu’on en ait ouvert.

Quoique les édifices soient construits, les ouvrières continuent toujours à recueillir & à apporter de la cire brute : il faut bien remplir les magasins, & se précautionner pour les temps de disette où la campagne n’offrira plus de récolte à faire, & pourvoir à la nourriture de la famille qui naît tous les jours ! On ne cesse donc point d’apporter de cette provision tant qu’on en trouve à ramasser ; l’abeille qui arrive avec ses deux petites pelotes de cire brute, lorsque les édifices sont construits, que les gâteaux remploient la ruche, n’invite plus ses compagnes à venir la décharger de son fardeau : son bourdonnement & ses battemens d’ailes seroient inutiles, elles ne se rendroient point à ses invitations, parce qu’elles sont rassasiées de la provision qu’elles apportent, & qu’il n’y a plus d’édifices à bâtir : elle va donc toute seule déposer dans les magasins la provision qu’elle a ramassée. Arrivée à sa destination, elle s’accroche par ses jambes antérieures contre les bords de l’alvéole où elle veut entrer pour se débarrasser de son fardeau ; elle recourbe son corps en-dessous, en le rapprochant de sa tête pour faciliter son entrée dans l’alvéole, Lorsqu’elle y est entièrement, le bout des jambes de la seconde paire, frappe & pousse au fond de la cellule la petite pelote dont les dernières jambes sont chargées, oc elle part tout de suite pour aller faire d’autres provisions. À peine est-elle sortie, qu’une autre arrive, entre la tête la première, & va pétrir avec ses dents, & ensuite avec l’extrémité de ses jambes, les pelotes qui viennent d’être déposées contre le fond de la cellule, afin qu’elles ne forment qu’une masse