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Ce sentiment se réduit donc à ceci, les fibres de la dernière couche du bois, s’étendent non-seulement horizontalement, mais encore longitudinalement du côté de l’écorce, & le résultat de cette extension, est la production d’une nouvelle couche. Ainsi M. Hales diffère de Malpighi & de Grew, en ce qu’il attribue au bois la production de la nouvelle couche ligneuse qui, suivant eux, n’est qu’une émanation de l’écorce.

IV. Sentiment de M. le Chevalier de Mustel. Ce savant académicien de Rouen, dans un ouvrage qu’il a publié en 1781, intitulé Traité de la végétation, prétend, que les dépôts de la sève montante, joints aux émanations du corps ligneux, forment un liber qui ensuite se convertit en aubier ; & que le même effet de la sève descendante, joint aux émanations intérieures de l’écorce, forme aussi un autre liber, qui se convertit en une nouvelle couche corticale ; ainsi, il se produit pendant l’été deux feuillets de différens libers, dont l’un appartient au bois, & l’autre à l’écorce. La sève nouvelle les sépare au printemps, pour en former de nouveaux entr’eux.

On voit, que ce sentiment tient le milieu entre les trois premiers, & qu’il tire de l’écorce du bois, & des dépôts des deux sèves, l’origine des couches, tant ligneuses que corticales.

V. Sentiment commun. Tous ceux qui n’ont pas fait une étude particulière du règne végétal, s’imaginent & croient naturellement qu’il s’introduit entre l’écorce & le bois une liqueur quelconque ; que cette liqueur s’épaissit, qu’elle s’organise, & qu’enfin, en prenant encore plus de solidité, elle parvient à former une couche ligneuse.

Ces différens sentimens se réduisent donc à trois points généraux. Les couches ligneuses sont produites, ou par l’écorce ou par le bois, ou par une substance nouvelle déposée ou filtrée entre le bois & l’écorce.

Pour chercher la vérité, & tâcher de découvrir le secret de la nature, M. Duhamel a tenté un très-grand nombre d’expériences fort ingénieuses, qui, sans lui donner absolument le mot de l’énigme, l’ont conduit à des vérités incontestables, & qui jettent le plus grand jour sur la formation des couches ligneuses. Il seroit trop long de rapporter ici toutes ces expériences ; on les trouvera détaillées dans sa Physique des arbres ; nous nous contenterons de rapporter la conclusion qu’il en tire.

1°. L’écorce étant entamée, soit qu’elle s’exfolie, ou que l’exfoliation soit peu sensible, la partie qui reste vive, peut produire une nouvelle écorce.

2°. L’écorce peut, indépendamment du bois, faire des productions ligneuses.

3°. Quand on tient un lambeau d’écorce, séparé du bois par un de ses bords, il se forme un appendice ou lèvre ligneuse qui se recouvre en-dessous d’une nouvelle écorce.

4°. Les couches corticales, qui ne font point partie du liber, restent toujours corticales, sans jamais se convertir en bois.

5°. Les couches les plus intérieures du liber, ou si l’on veut, la couche la plus intérieure de l’écorce se convertit en bois, quoiqu’il y ait apparence, que cette couche n’est