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fertilité, & qu’elle étoit capable de produire des végétaux comme auparavant. Suivant cette opinion, la terre susceptible d’épuisement par des productions trop fréquentes, pouvoit se lasser de fournir des sucs aux végétaux. L’épuisement & la lassitude furent donc considérés comme la suite & l’effet d’une culture trop continue, & d’un labourage trop fréquent.

Pour obvier à ces inconvéniens, & éloigner le terme de la vieillesse de la terre, les anciens ne crurent pas que le secours des engrais pût suffire. Il fallut donc établir des jachères ou temps de repos absolu : pendant cet intervalle, plus ou moins long, relativement à la qualité des terres, elles n’étoient ni labourées ni ensemencées ; toute culture cessoit, afin de ne point les forcer à donner leurs productions. Virgile a fait, des jachères, un principe important d’agriculture : quoiqu’il conseille les fréquens labours pour diviser & atténuer la terre, il exige cependant qu’après avoir été moissonnée, elle soit, pendant une année entière, sans être cultivée. Si l’on ne veut pas perdre la récolte d’une année, le seul parti qu’il y a à prendre, selon lui, consiste à l’ensemencer de lupins, de fèves, de vesces ou autres légumes, après la récolte desquels il n’y a point d’inconvénient d’ensemencer une terre en froment, parce que ces sortes de légumes, loin de l’amaigrir, la bonifient.

Columelle n’adopte point le systême des jachères : selon son sentiment, une terre bien fumée n’est jamais exposée à s’épuiser ni à vieillir. Aucun des agronomes anciens n’a aussi bien connu que lui les moyens propres à prévenir le déperissement des terres.


CHAPITRE III

Méthode adoptée par M. Liger, dans la Maison Rustique.


L’Auteur de la Maison rustique n’est point jaloux d’établir une méthode particulière, ni de proposer de nouveaux principes touchant l’exploitation des terres. Il dit « que l’on ne peut donner d’autres règles à suivre, que l’usage des lieux qu’il faut croire fondé en bonnes expériences ; si mieux on aime éprouver la fertilité de son fonds, mais sans épargner les engrais, & sans vouloir opiniâtrement forcer ou épuiser la terre. »

Les principes sur lesquels M. Liger est persuadé qu’on peut établir une bonne méthode de cultiver, se réduisent :

1°. À labourer fréquemment les terres fortes & grasses, afin de les ameublir & de détruire les mauvaises herbes.

2°. À donner peu de labours aux terres légères ou sablonneuses ; parce qu’ayant peu de substance & d’humidité, un labourage trop répété les altéretoit.

3°. À ne point labourer lorsque la terre est trop sèche : si elle est légère, sa substance se dissipe ; si elle est forte, la charrue ne peut point y entrer.

4°. À améliorer les terres par des engrais & par le repos, afin de leur faire recouvrer les sels que les végétaux ont consommés.

Nous ne nous arrêterons point à développer les autres principes de culture de la Maison rustique ; ce seroit