Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/587

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La surabondance de ces principes est contraire à la végétation ; au lieu qu’une grande quantité de terre n’endommage jamais les plantes, pourvu qu’elle ne soit point trop compacte.

Avec la quantité d’eau & le degré de chaleur, qui sont nécessaires à la végétation des plantes, relativement à leurs différentes espèces, M. Tull croit que le même sol peut nourrir toute sorte de végétaux, puisqu’on élève dans nos climats des plantes étrangères, qui se trouvent par conséquent dans une terre tout-à-fait différente de celle où elles sont nées. De quelque nature que soit la substance qui sert à la végétation, il est persuadé qu’elle est la même pour chaque espèce. Cette matière homogène, qui contribue à la végétation de toutes les plantes qui diffèrent essentiellement entr’elles par leurs formes, leurs propriétés, leur saveur, prend nécessairement diverses formes, toutes analogues aux différentes espèces. Si chaque plante végétoit par des sucs qui lui fussent propres exclusivement, il seroit donc très-inutile de laisser reposer un terrein qui auroit donné quelques productions : en variant l’espèce des plantes, chacune prendroit la portion de substance qui lui est analogue, sans nuire à celle qui doit lui succéder ; mais l’expérience apprend, suivant M. Tull, 1°. qu’une terre où l’on a fait une récolte, n’en produira qu’une seconde médiocre, quand même l’espèce de grain seroit changée, si on l’ensemençoit tout de suite sans réparer les pertes par des labours faits à propos ; 2°. que les plantes de différentes espèces se nuisent réciproquement dans un même terrein. Or, si les sucs étoient particuliers à chaque espèce, cet inconvénient n’auroit point lieu. Par cette conséquence, M. Tull paroît ne plus se ressouvenir de la distinction qu’il a faite de la forme des racines. Le petit trèfle nuit-il au fromental dans un pré ? Sa conclusion est trop vague.

Dans l’exploitation des terres, plusieurs cultivateurs ont coutume de semer de l’orge ou de l’avoine, après avoir recueilli du froment, & non pas cette dernière espèce de grain : il ne suit pas de cette pratique, dit M. Tull, que la terre soit épuisée des sucs propres au froment, & qu’il ne lui reste que ceux qui sont analogues à l’avoine, à l’orge. Ces plantes, moins délicates, n’exigent pas que la terre soit préparée par plusieurs labours, comme il seroit nécessaire qu’elle le fût pour recevoir du froment ; de sorte qu’elles viennent bien après deux labours, qui ne suffiroient pas pour semer du blé. Si l’on avoit tout le temps nécessaire pour faire les labours, qui sont indispensables quand on veut préparer la terre d’une manière convenable à être ensemencée en froment, cette espèce de grain y réussiroit aussi bien que les autres. On est donc obligé de semer l’espèce de grains qui exige le moins de culture, quoique la terre ne soit pas épuisée des sucs qu’il faut pour la végétation des plantes plus utiles.

Une terre en friche produit, pendant les premières années qui suivent son défrichement, des récoltes très-abondantes : pourquoi cette abondance, puisqu’elle devroit être épuisée par les mauvaises herbes qu’elle a nourries lorsqu’elle étoit en friche ? M. Tull répond, qu’on ne doit point attribuer l’abondance des récoltes