Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/610

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s’opposer aux progrès des végétaux : il prétend que les soins prodigués par le cultivateur, loin d’être simplement inutiles, contribuent, au contraire, à leur donner une existence foible & languissante. Pour voir la nature dans toute sa force & sa beauté, il nous invite à porter nos regards dans les lieux les plus incultes, dans les forêts les plus antiques : c’est-là que les végétaux, qui ne sont point soumis aux procédés barbares du cultivateur, y jouissent de la vigueur qui leur est propre dans leur état naturel : les plantes cultivées dans nos possessions y dégénèrent par un excès de soins qui ne sont point analogues à leur manière de végéter.

Pour perpétuer les végétaux, la nature, suivant M. Fabroni, avoit sagement établi que les débris des individus qui se pourrissent, fourniroient les sucs nécessaires au développement des graines de chaque espèce qui leur succède. La preuve en est évidente dans les forêts : les végétaux y croissent avec beaucoup de facilité, parce que la terre végétale n’est formée que des plantes décomposées par la putréfaction : l’agriculture, au contraire, arrache celles qui fourniroient de la terre végétale ; par ce moyen, les plantes que nous cultivons par préférence, sont privées d’un secours si utile à leur végétation.

Les principes de culture les plus suivis, sont, suivant M. Fabroni, des préjugés dont il faut se défaire, si l’on veut rendre à la terre sa fertilité primitive : mais, en changeant de méthode, il faut prendre la nature pour modèle, en dirigeant nos soins à former beaucoup de terreau : c’est le seul moyen d’avoir des droits à l’abondance des productions de la terre, que nous épuisons par notre culture excessive. Le secret de la nature, pour former la terre végétale, consiste dans la multiplication & la reproduction continuelle des végétaux, & non pas dans les labours, les jachères, ni dans les fumiers. Suivant M. Fabroni, en faisant produire à nos terres le plus grand nombre possible de végétaux, nous pourrons nous flatter d’avoir trouvé le véritable moyen d’abolir le repos, d’épargner beaucoup de labours, & de nous passer des engrais.

M. Fabroni observe que la nature, en produisant les végétaux, a soin de mêler, dans un même sol, les espèces de différente grandeur : de cette manière, les sucs qui se dégagent de la terre, pour nourrir les plantes, ne sont point perdus, à mesure qu’ils s’élèvent à différentes hauteurs. D’après ces voies suivies par la nature, notre auteur conclut que le blé ne doit point être seul en possession d’occuper nos campagnes, quoiqu’il soit une des plus riches productions que nous puissions cultiver. Il est persuadé qu’en ne semant & ne moissonnant que du blé, nous agissons contre nos vrais intérêts, en même temps que nous nous éloignons des véritables principes d’agriculture. « La vigne, dit-il, le mûrier, tous les arbres fruitiers, & même les légumes, doivent partager avec les céréales le droit de végéter sur nos terreins. C’est alors seulement qu’il nous sera inutile de rechercher s’il y a une juste proportion entre les prés, les champs & les vignes : nos terres doivent être à la fois vignes, champs &