Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

construction de l’avant-train doivent être légers : sa solidité ne doit dépendre que de l’assemblage des différentes pièces qui le composent, lesquelles doivent être parfaitement assemblées. Si le tétard, le patron, le limonier, les traverses étaient en chêne, toutes ces pièces formeroient une masse énorme, que son propre poids, joint à celui de la flèche dont le bout porte sur l’avant-train, enfonceroit dans la terre. Il est donc bien essentiel de n’employer que du bois léger, afin d’épargner une peine inutile à l’attelage qui retarderoit la marche de la charrue.

Dans quelques endroits on est dans l’habitude de faire en fer les deux roues sur lesquelles porte l’avant-train : cette méthode est défectueuse, parce que, pour les rendre moins pesantes, on donne peu de surface à la circonférence. Alors les roues entrent facilement dans la terre ; l’avant-train se trouvant trop bas, l’attelage a beaucoup de peine à tirer la charrue : le conducteur ne peut plus la gouverner à volonté, le soc prend, malgré lui, plus d’entrure qu’il ne convient souvent au labour qu’il fait. Au contraire, quand les roues sont en bois, l’avant-train ne s’enfonce pas si aisément ; les jantes des roues étant plus larges, elles prennent une plus grande surface sur le terrein.

On fait ordinairement le moyeu des roues avec le frêne, qui est un bois dans lequel on peut pratiquer les mortoises qui reçoivent les tenons des rayons, sans craindre qu’il se fende : les jantes sont faites avec le même bois, ou avec le hêtre. On choisit du chêne pour les rayons, sa dureté le rend susceptible d’être aminci, sans qu’il perde de la solidité qu’il doit avoir : quand le frêne est bon, il peut être employé à cet effet ; mais il faut avoir attention de prendre des morceaux refendus d’une grosse pièce, parce qu’ils sont plus solides.

On ne doit pas toujours s’en rapporter aux charrons, pour la qualité du bois qu’ils emploient ; il est essentiel de la connoître soi-même, afin de ne pas courir les risques d’être trompé par ces sortes d’ouvriers ; l’appât du gain les entraîne souvent à employer des bois qui ne conviennent point pour les ouvrages qu’on leur ordonne de faire.

La qualité du bois dépend beaucoup des endroits où il croît : les lieux aquatiques, ceux qui n’ont que le soleil couchant, produisent des bois d’une qualité bien inférieure à ceux qui croissent dans des endroits secs, pierreux & exposés au soleil levant. Quand on a le choix, il faut employer ces derniers par préférence aux autres.

De quelqu’espèce ou qualité que soit le bois qu’on emploie, il faut qu’il soit extrêmement sec ; quand il ne l’est point parfaitement, l’humidité de la terre, la pluie à laquelle il reste souvent exposé, le font gercer & fendre. Pour ne courir aucun risque à cet égard, on peut le laisser quelques heures dans un four, à plusieurs reprises, lorsque la chaleur est assez modérée pour qu’il n’y noircisse point en se calcinant. Il faut avoir attention de ne point l’y mettre, lorsqu’il est nouvellement coupé, parce qu’étant encore frais, la chaleur subite qu’il éprouveroit, dilateroit trop ses pores pour