Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/168

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astriction. On ne dira pas que le principe sucré qui forme l’esprit ardent, étoit, avant la fermentation, contenu dans la grappe, & que c’est le même que l’on retire par la distillation. Les expériences citées plus haut, prouvent le contraire, & pour s’en convaincre il suffit de les répéter.

2. L’opinion de tous les vignobles est que la grappe conserve le vin. Si les cultivateurs étoient véritablement instruits, s’ils connoissoient la manière dont les principes des corps se combinent, les moyens que la nature emploie pour les conserver & les détruire, certainement leur opinion seroit d’un grand poids ; mais M. Maupin sait mieux que moi combien peu les lumières sont répandues, & combien sont grandes les entraves qu’il a été obligé de forcer afin de dessiller les yeux de ceux qui sont aveuglés par la coutume. Une opinion générale n’est souvent qu’une erreur, & les antipodes ou la sphéricité du globe que nous habitons, conduisirent Galilée dans les prisons de l’inquisition, parce qu’il combattoit l’opinion générale & du peuple & des philosophes.

M. Maupin me permettra de lui représenter que l’égrainage n’est pas une pratique à laquelle se livrent simplement quelques curieux. Dans presque tout le bas-Languedoc, par exemple, & dans une infinité d’autres endroits que je pourrois citer, on égraine rigoureusement, non pour perfectionner les vins (on n’y songe pas) mais par économie. Comme les vignobles sont immenses, & que toutes les habitations ou celliers sont dans les villages ou dans les villes, on dépenseroit beaucoup trop en frais de voitures ; on égrappe dans la vigne même, & cette grappe est ensuite étendue sur le sol. Aussi, abstraction faite de la chaleur du climat & des autres causes qui influent sur la qualité des vins, ils ne sont jamais âpres ; mais si on laisse la grappe, si elle fermente avec le grain, le vin est dur & très-dur.

3. M. Maupin n’approuve point avec raison la méthode d’aluner les vins ; mais de l’action de l’acide de l’alun & de la terre qui lui sert de base, il en conclud par comparaison avec l’acide de la grappe & sa saveur styptique ; cette comparaison ne paroît pas exacte. L’alun est composé d’acide vitriolique & d’une terre presqu’argileuse, & sa stipticité dépend de ce que la base de cet acide n’est pas aussi exactement saturée que celle des autres sels vitriolique à base terreuse : cet acide se dissout dans l’eau, parce qu’il contient la moitié de son poids d’eau. Le tartre est beaucoup plus acide que l’alun, il est uni à une portion huileuse qui empêche, jusqu’à un certain point, sa solubilité dans l’eau ; il faut au moins dix-sept parties d’eau pour en tenir une en dissolution. Enfin, sa base est une terre grossière, & le tout est rendu concret par une grande quantité d’air. Le tartre contenu dans la grappe, diffère un peu de celui renfermé dans la pulpe du grain ; il seroit trop long de suivre cette analyse chymique, peut être hors de la portée du commun des lecteurs.

Il est donc clair que l’acide de l’alun combiné avec l’eau-de-vie, ne peut presque point absorber de son eau, puisqu’il est déjà uni avec moitié de son poids d’eau, & que l’acide du tartre s’y unit très difficilement, à cause de la partie huileuse qu’il contient ; enfin, parce