Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/172

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vendange non égrappée de la vigne au cellier, cette dépense sera au-dessous de zéro.

12. Les défauts qu’on lui attribue, ne viennent uniquement pas de la façon des vins. Mettez ces grappes tremper dans de l’eau simple, pendant douze ou vingt-quatre heures, & vous trouverez cette eau imprégnée d’un goût désagréable, âpre, styptique ; le même effet a lieu dans le vin & il y est plus marqué, puisque très-peu de vins ne restent que vingt-quatre heures à compléter leur fermentation, & que cette fermentation agit sur la grappe, aidée par la chaleur qu’elle acquiert.

13. La dureté causée par la grappe n’est en aucune manière, une condition inséparable de la conservation. En 1761, je fis du vin à Côte-rotie, & il a toujours été rigoureusement égrappé ; & lorsque je passai à Lyon, au mois de juillet 1780, je le trouvai délicieux. Si on avoit de bonnes caves, dans le bas Languedoc, si on prenoit la peine de bien faire le vin, il y seroit, pour ainsi dire, éternel, quoiqu’on y égrappe ; & ceux qui ne le sont pas, ne conservent pas mieux leurs vins que les autres.

14. Je ne vois aucun motif capable de faire renoncer à l’égrainage, & pourquoi ceux qui avoient commencé à en faire usage, s’en sont lassés. Je dirai, au contraire, que cet usage gagne de proche en proche, & que si les méthodes que l’on suit sont coûteuses, il est très-facile d’adopter celle du bas-Languedoc, très-économique & très-expéditive ; elle n’est pas particulière à cette seule province.

15. La grappe augmente le goût de terroir, parce qu’elle est imprégnée, ainsi que le suc du raisin, de l’eau de la sève, ou du principe odorant de certaines plantes qui fourmillent dans les vignes ; tels sont, par exemple, les soucis, les aristoloches, &c. Je sais que chaque espèce de raisin a son goût particulier ; mais la preuve la plus complète, qu’il ne faut pas lui attribuer le goût de terroir, c’est que transporté dans un autre sol, dans un autre climat, il cesse de l’avoir. Les vins blancs de Saint-Péray en Vivarais, ont un goût de violette ; ceux de Seyssuel près de Vienne en approchent beaucoup, & cependant ces vignes sont plantées en espèces de raisins bien différentes. Les vignes qui avoisinent l’un ou l’autre de ces endroits, sont composées des mêmes plants, & cependant les vins qu’on y récolte, n’ont pas le même parfum. Cinq vignes se touchent au territoire, proprement dit de Côte-rôtie, elles sont plantées de la même cépée, & cependant il est aisé de distinguer au goût le vin de chaque vigne. Que d’exemples pareils il seroit facile de citer ! Le goût de terroir est propre à chaque sol, & je conviens que quelques espèces de raisins ont par elles-mêmes un goût désagréable ; on auroit tort de le confondre avec le premier.

D’après ces observations, je conclus 1°. que, dans aucun cas quelconque, on ne doit conserver la grappe ; 2°. qu’elle communique au vin toutes ses mauvaises qualités sans lui en communiquer une bonne ; 3°. qu’elle ne contient pas plus que le sarment, les principes constitutifs du vin ; 4°. qu’elle s’approprie en pure