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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/177

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seconde & de la troisième année. Il est rare, par la suite, de couper une branche majeure sans que l’arbre en souffre ; lorsque la nécessité y oblige, il faut y venir petit à petit, afin d’accoutumer la sève à se porter dans les autres grosses branches. On ne doit jamais faire de plaies considérables, sans les recouvrir avec l’onguent de Saint-Fiacre.

Dans les pays où la multiplicité des troupeaux force à chercher leur nourriture dans l’élagage, je n’ai jamais vu aucun bel arbre, dont le tronc fût droit & la quille bien proportionnée, parce que tous les trois ans on élague & on laisse tout au plus quelques méchantes petites branches au sommet.

Il est facile de faire la même remarque sur les ormeaux qui bordent les grands chemins, sur-tout s’ils appartiennent au Roi ou à de grands seigneurs. Les personnes préposées à leur entretien, aiment les fagots, & sous prétexte de laisser un grand courant d’air sur la route, les pauvres arbres en sont la victime. Veut-on voir des ormeaux, des chênes, des arbres majestueux ? il faut se rendre à la porte des églises de campagne, on y trouvera ceux que l’immortel Sully obligea de planter, & on les appelle encore les Rosni : comme ils n’appartiennent à personne, ils sont livrés à eux-mêmes, & les élagueurs n’ont heureusement pas le droit de les mutiler pour faire du bois de chauffage.


ÉLANCER, S’ÉLANCER. Lorsqu’un arbre a été trop élagué par le bas, (voyez ce mot) sa tige s’élance, monte, & reste toujours maigre & fluette, de manière qu’il ne se trouve aucune proportion entre sa grosseur & sa hauteur : cet arbre sera toujours languissant.

Quelquefois la sève s’élance au sommet de la tige, & laisse le bas sans nourriture ; quelquefois elle s’élance dans une branche particulière, & abandonne les voisines ; quelquefois enfin, elle se porte toute ou presque toute à droite ou à gauche d’un espalier, d’un arbre en buisson, &c. le reste devient rachitique. Dans le premier cas, c’est toujours la faute de l’élagueur, parce que, ainsi qu’il a été dit, il a sottement supprimé les bourgeons du bas ; dans le second, le simple coup-d’œil prouvera que la branche qui s’élance, part de la ligne perpendiculaire ; au lieu que si elle avoit pris naissance sur une mère branche inclinée vers l’angle de quarante-cinq degrés, la sève ne seroit pas montée avec une fougue pareille. Dès qu’on s’en apperçoit, il faut aussitôt coucher cette branche & la tirer, autant que faire se peut, vers la ligne horizontale ; ce moyen bien simple modérera l’impétuosité de la sève. Alors la sève gênée dans son cours par la pression des canaux, & par leur moins grand diamètre, est obligée de refluer dans les branches voisines. Cette branche ainsi couchée sera peut-être désagréable à la vue pendant toute la saison ; mais il vaut mieux qu’elle soit ainsi, que de perdre l’arbre en entier. À la chute des feuilles, on verra si on doit la supprimer ou la conserver lors de la taille. Les jardiniers peu instruits cherchent moins de façon ; la branche leur déplaît, eh bien, ils la suppriment, la coupent impitoyablement. Il résulte de cette mauvaise opération, que l’arbre souffre dans toutes ses par-