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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/230

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à moins qu’ils ne soient déjà réduits en véritable terreau. Le premier préfère des gazonnées dont il remplit le fond du trou qui doit recevoir l’arbre, & le second recourt aux feuilles & aux débris des végétaux qu’il mélange avec la terre, & laisse le tout fermenter pendant une année, afin que la décomposition & le mélange des principes soient parfaits. Qui leur a démontré l’excellence de cet engrais ? l’expérience. Imitons donc leur exemple.

À la chute des feuilles, que toutes les femmes, que tous les enfans de la métairie soient occupés à aller les ramasser dans les bois ; que l’on fasse d’amples provisions de genets ou telles autres plantes inutiles, que la paille, les bales du blé, de l’orge, de l’avoine, & qui ne sont pas consommées par les bestiaux, ou pour leur litières, soient jetées dans des fosses profondes, & sur chaque couche d’un à deux pieds, bien égalisée, répandez deux ou trois pouces de bonne terre, encore mieux des gazonnées qu’il faut lever sur tous les lieux où elles sont inutiles ; enfin, couche par couche remplissez presqu’entièrement la fosse, les pluies d’hiver pénétreront jusqu’au fond ; la fermentation s’y établira, elle sera augmentée par la chaleur de l’été, & insensiblement le tout se convertira en terreau. La couche de terre supérieure doit-être de cinq à six pouces d’épaisseur, & d’une qualité assez compacte, afin d’empêcher l’évaporation des principes ; sans cette dernière précaution cet engrais perdra plus des deux tiers de sa valeur. Si la sécheresse est longue, si la chaleur est extrême pendant l’été ; enfin, si l’on prévoit que cette masse manque d’une certaine humidité, il convient d’ouvrir de distance en distance des trous, au moyen des pieux qu’on enfonce & qu’on retire ensuite, d’y verser une certaine quantité d’eau & de les reboucher aussitôt avec de la nouvelle terre ; trop d’eau seroit nuisible. On objectera peut-être que la chaleur de l’été est suffisante pour attirer de la terre qui sert de base à la fosse, l’eau qu’elle contient, & que cette eau suffit entretenir l’humidité dans la masse totale. Cette objection est vraie relativement à certains pays, & non pas par-tout : c’est la raison qui me détermine à la rapporter. Dans les provinces du nord où les pluies d’hiver & même d’été sont très-abondantes, & où l’évaporation n’est pas forte à cause du peu d’activité des rayons du soleil, l’arrosement est non-seulement inutile, mais nuisible, il faut, au contraire, quand la fosse est remplie de feuilles, d’herbes, &c. & que les couches successives ont été bien imbibées d’eau, empêcher qu’il n’y en vienne de nouvelle, parce que trop d’humidité s’oppose à la décomposition. Dans les provinces du midi, au contraire, où la chaleur est si forte, si active, si puissante, la masse sera bientôt privée de l’humidité nécessaire, & le blanc gagnera les couches.

Toute substance végétale amoncelée &a pénétrée d’humidité, fermente, & sa fermentation ne peut-être sans chaleur. Pour vous en convaincre, prenez des balles du blé ou de l’orge sur-tout ; remplissez en un pot quelconque, humectez un peu, & quelques jours après, plongez la main dans ce vase, vous jugerez alors du degré de