Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/277

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ouverts en eux que dans les animaux engraissés ; ce qu’il y eut de plus étonnant, c’est que la plupart des femelles des buffles, attaquées de la peste, & qui nourrissoient leurs petits, ne périrent point : leurs membres étoient tout couverts d’ulcères ; aucun de leurs petits n’échappa. Lancisi explique ce phénomène par la même raison ; selon lui le venin âcre & rongeant qui s’étoit introduit dans les mères, par les narines, & par les alimens, parvenoit par les routes larges & naturelles du chyle & du sang jusqu’aux plus petits canaux des mamelles ; là il se faisoit un dépôt utile & heureux, & comme le ferment se distribuoit en partie dans le corps de leurs nourrissons, & que le reste s’arrêtoit à l’extrémité des tuyaux lactifères, ulcérés & corrodés par ce même ferment, les mères, à la faveur de ces plaies salutaires, échappoient souvent à la mort, à peu près comme certains hommes attaqués de la peste, qu’une suppuration avantageuse de bubons conduit à une guérison entière.

Nul spécifique au surplus contre cette contagion ; la plupart des remèdes administrés furent très-nuisibles ; ceux qui n’augmentèrent pas le mal ne produisirent aucun bien. Aussi Lancisi proposa-t-il, dans une assemblée considérable de cardinaux, de tuer d’abord tous les bœufs le plus légèrement soupçonnés : enfin, les ordres que le souverain Pontife donna pour intercepter toute communication, produisirent plus d’effet que les remèdes pour l’extinction de ce fléau.

Dans le courant du mois de juillet de l’an 1714, M. Batz, chirurgien de la maison du Roi d’Angleterre, fut chargé de se rendre à Issington, situé dans les environs de Londres, pour examiner si l’épizootie qui y régnoit sur les bêtes à cornes, étoit contagieuse.

Dès qu’un animal en étoit attaqué, il refusoit de manger ; le lendemain il lui survenoit une toux très-violente, & il rendoit des excrémens semblables à de la craie. La tête & quelquefois le corps lui enfloient ; un ou deux jours après, il rendoit une grande quantité de matière muqueuse par le nez ; sa respiration devenoit puante ; à la fin il lui survenoit un dévoiement, quelquefois sanguinolent, qui se terminoit par la mort ; il y en avoit qui mouroient en trois jours ; d’autres en cinq ou six ; les bœufs vivoient huit ou dix jours ; ils refusoient toutes sortes d’alimens pendant toute leur maladie, & éprouvoient une grande chaleur.

M. Batz voulant s’assurer plus particulièrement de la nature de cette épizootie, fit l’ouverture de seize de ces animaux.

Les cinq premiers avoient été dans un troupeau malade, & commençoient eux-mêmes à avoir les symptômes de la maladie. Il trouva leur vésicule du fiel plus grande qu’elle n’auroit dû l’être naturellement, & remplie d’une bile verte, mais dont le goût n’avoit rien d’extraordinaire ; leur pancréas étoit ridé ; quelques-unes de leurs glandes étoient obstruées & tuméfiées ; plusieurs de celles du mésentère étoient deux ou trois fois plus grosses que de nature ; leurs poumons étoient un peu enflammés, leur chair avoit un peu de chaleur. Les six qu’il ouvrit ensuite étoient malades depuis deux