Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/306

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meur ne tombe dans du sang, & par conséquent, qu’elle ne produise les ravages qui sont ordinaires, quand elle ne peut se faire jour au-dehors. Cela est arrivé à plusieurs bêtes de toute espèce ; elles sont mortes par l’interruption de l’écoulement des sérosités ; d’autres, parce qu’il n’a pu s’établir qu’imparfaitement. La grande sensibilité des chairs malades est toujours de bon augure ; au contraire, plus elles sont insensibles, plus il y a aussi sujet de désespérer. Quand ces bosses, d’applanies qu’elles sont au commencement, se circonscrivent & s’arrondissent, devenant en même temps très-fermes & résistantes, c’est un signe non équivoque que la nature agit efficacement, & qu’elle prend le dessus sur la cause qui produit le mal, dont elle veut bientôt se débarrasser, en changeant le dépôt, d’humoral qu’il étoit, en dépôt phlegmoneux, lequel n’est jamais dangereux, lorsqu’il est bien placé & bien conditionné : l’expérience l’a toujours prouvé sur le corps, humain, & le prouve déjà sur le corps des animaux attaqués de la maladie dont il s’agit. L’état de foiblesse & d’abattement où ils étoient avant ces heureux signes, change peu à peu lorsqu’ils se montrent ; la putréfaction des humeurs s’évanouit insensiblement, ainsi que tout ce qui l’annonce. Les mouches de différentes espèces, qui, attirées par l’odeur des maladies, s’attachent en plus grande abondance, à proportion de l’affaissement, au bétail hors d’état de les chasser en ridant la peau ou autrement, s’en éloignent aussi à proportion que les circonstances font connoître le retour de la vigueur ; des allures vives succèdent à leur air morne, l’envie de manger & la gaieté reviennent. L’humeur contenue dans le dépôt montre quelquefois un caractère d’insigne âcreté ou causticité. M. Drouhet, Chirurgien de Pont-l’Abbé, a observé qu’ayant ouvert un de ces dépôts à la partie supérieure interne de la cuisse d’un bœuf, ce qui en découla détacha le poil vingt-quatre heures après, comme si la partie avoit été trempée dans l’eau bouillante. La peau dépouillée paroissoit fort rouge & bien enflammée. Ces dépôts se font indifféremment sur toutes les parties du corps, ainsi qu’on l’a déjà observé ; ceux qui se jettent sur les viscères, sont mortels. Parmi les externes, ceux qui se montrent au poitrail des chevaux, dans l’endroit que les maréchaux appellent l’avant-cœur, sont des plus mauvais ; au contraire, ceux qui affectent le fanon, ou cette membrane pendante du poitrail des bœufs, que nos paysans nomment la banne, sont les moins dangereux. Ceux qui viennent au museau, à la bouche & au fondement de toute espèce d’animaux, donnent un présage funeste ; c’est sur-tout dans ce dernier cas que le bétail répand, en mourant ou après la mort, le sang par les narines, par la bouche ou par le fondement, ou souvent par tous les endroits ensemble. Un des symptômes les plus ordinaires, reconnu par l’ouverture des cadavres, est le défaut de digestion. On trouve le plus souvent le trajet du canal intestinal vide, tandis que les estomacs sont pleins & comme farcis d’herbe, qui est plus ou moins durcie dans le livret des animaux ruminans ; cela arrive quelquefois lorsqu’ils ont cessé de manger plusieurs jours avant la mort, ou bien, lorsque surpris par une