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avril 1743, relativement aux barriques. On expédioit, par exemple, de Cette, ou de la Rochelle de l’eau-de-vie réellement au titre, & lorsqu’elle arrivoit en Hollande, son titre étoit beaucoup inférieur, sans qu’il y eût de la faute du marchand. L’expérience journalière prouve que la masse du vin diminue chaque jour dans les futailles, & beaucoup plus en été qu’en hiver. J’en ai déjà dit la cause ; à plus forte raison l’esprit devoit s’évaporer, & par conséquent l’eau-de-vie ne pourroit plus être au titre : la qualité de bois contribuoit singulièrement à cette évaporation. En Languedoc, on employoit les douves de bois de châtaignier, de mûrier, &c. parce que le chêne y est très-rare & fort cher. La diversité des pores de ces bois nécessitoit la diversité d’évaporation. Sa Majesté a ordonné, 1°. que toutes les futailles ou pièces seroient construites en bois de chêne, & que chaque pièce seroit exactement construite sur un même modèle, afin que leur contenance, étant égale, il n’y eût plus de difficulté. Les tonneliers ont été astreints à imprimer leur nom avec une marque de feu, & ils répondent de leur travail. Malgré ces précautions, le tonnelier peut encore tromper, à volonté, ou le vendeur ou l’acheteur, suivant la manière dont l’intérieur des bois est débité : on en a vu d’assez malhonnêtes pour se prêter à de pareilles friponneries ; une légère rétribution les éblouissoit, & quelquefois les séduit encore ; une douve ou douille, plus épaisse que sa voisine, fait le bénéfice du vendeur, & le bénéfice augmente en raison du nombre de ces douves. Pour aider leur courbure, lorsque l’on fabrique la futaille, on suit dans plusieurs endroits la coutume d’enlever, dans le milieu de la douve, & dans sa partie intérieure, une portion du bois afin de l’amincir. Plus on en supprime, & plus l’acheteur gagne. Souvent les douves du bas de la pièce sont plus amincies que les supérieures ; la jauge entre plus profondément, & l’acheteur perd. Dans les provinces, au contraire, où l’on serre les douves avec le tourniquet ; le milieu est plus épais que dans les deux extrémités, mais comme tout le bois est dolé des deux côtés, les friponneries sont plus difficiles à exécuter que lorsque le bois ne l’est pas. Il me paroît essentiel qu’un règlement de police force les tonneliers à n’employer aucune douve sans être dolée ; alors la futaille sera aussi unie au-dedans qu’au-dehors, & on éviteroit par-là ces petits tours de main qui déshonorent.

Section II.

De la Distillation des Esprits.

Il est très-avantageux aux propriétaires de convertir les eaux-de-vie en esprit, & aux acheteurs, de préférer celui-ci. 1°. Il faut moins de futailles. 2°. Sous un plus petit volume, le prix est augmenté. 3°. Les frais de transports sont moins considérables. 4°. La liqueur est plus fine, moins âcre, plus dégagée de tous corps étrangers.

La rectification exige un nombre de chauffes proportionnées à la quantité de phlegme contenu dans l’eau-de-vie. Les fabricans qui cherchent la perfection jettent dans la cucurbite l’eau-de-vie, preuve de Hollande, & placent cette chaudière dans un bain-