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sont ni ouverts ni fermés, mais prêts à s’ouvrir, les soulever doucement ; doucement couper les étamines, & saupoudrer avec la poussière des étamines d’un autre fruit, ou analogue ou congénère ; car, si la disparate est trop grande entre les espèces, il n’y aura point de fécondation ; cependant nous ignorons complètement jusqu’à quel point s’étendent les loix de la nature. On pourra répéter cette opération plusieurs fois dans le jour, & même ne pas supprimer les étamines des fleurs qu’on veut rendre adultérines. On ne sauroit trop diversifier les expériences, & en tenir un état bien circonstancié, comme il a été dit au mot Abricot.

II. De la greffe. La greffe fournit un autre moyen de perfectionner les espèces, mais elle n’en crée point de nouvelles. On aura beau appliquer greffes sur greffes, ce sera toujours le même fruit diversement modifié, & nullement changé de nature. Ce que j’ai dit des arbres, des légumes, s’applique également aux plantes graminées qui nous ont fourni une si grande quantité de blés d’espèces différentes. On conçoit assez l’analogie sans entrer dans de plus grands détails. Ceux qui s’attacheront à faire des semis de pépins, de noyaux, doivent les enterrer dans du sable aussitôt après les avoir séparés du fruit, & les tenir dans un lieu frais jusqu’au moment du semis. Il vaut encore mieux les enterrer dans le lieu destiné à la pépinière dont le terrein aura été bien préparé ; les semer ou planter par rangées, indiquer ces rangées avec de petits piquets, afin que, jusqu’au moment de leur sortie, on puisse enlever les mauvaises herbes sans les déranger, & même travailler légèrement le terrein de temps en-temps, comme si les plantes étoient déjà sorties de terre. Ces petits labours tiendront la terre meuble ; elle s’affaissera peu, & ils faciliteront la germination dans le temps. Si on suit toute autre méthode, c’est-à-dire, si on laisse sécher le pépin & le noyau sur-tout, on doit s’attendre à le voir souvent germer au commencement de la second année, & non dans la première. En outre, plusieurs espèces de graines ne lèvent qu’à la seconde, troisième, & même quatrième année.

Section III.

De la Dégénération des Espèces.

Deux objets sont à observer dans, cette section ; la dégénération proprement dite des espèces jardinières, & la transmutation des espèces naturelles ou d’autres espèces également naturelles.

I. De la dégénération des espèces jardinières. On trouve la solution du problême dans ce qui a été dit ci-dessus. La pomme de reinette a été acquise par les semis, & elle porte le nom de son auteur. Des pépins de cette pomme, ont produit un sauvageon, mais supérieur au sauvageon naturel. En auroit-il été ainsi, si M. de Reinette, après avoir multiplié cette espèce par la greffe pour en assurer la jouissance, avoit semé les pépins des premiers fruits ? N’en seroit-il pas des pépins comme des boutures, qui vont toujours en diminuant relativement à la qualité. On a transporté dans le bas-Languedoc, une assez bonne qualité de plants de raisins cultivés à Alicante, & qui donnent ce vin si connu. La première vigne