Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dinières : l’avoine est encore une espèce naturelle qui croît spontanément, au rapport d’Anson, dans l’île d’Ivan Fernandès, près du Chili. À quelle époque les hommes ont-ils commencé à cultiver ces deux espèces de graminées ? on l’ignore, & quand on le sauroit, la question resteroit la même. L’éternel a imprimé une loi physique à chaque être, dont il ne peut complètement s’écarter, & pour qu’il s’en écarte jusqu’à un certain point, il faut de toute nécessité qu’il y ait une analogie entre lui & l’être dans lequel il se naturalise, ou s’adultérine ou s’hybride. Certainement on ne trouvera ni ne démontrera jamais aucun caractère rigoureux de botanique, ni aucun caractère relâché des jardiniers entre l’un & l’autre : la feuille, la tige, la situation des fleurs, leur enveloppe, les fruits diffèrent essentiellement : comment donc, & par quelle loi inconnue s’opéreroit cette métamorphose ? Jusqu’à ce que les protecteurs de la transmutation la démontrent physiquement, il sera permis de ne la pas croire, & même de la regarder comme contraire à l’ordre de la nature. Je vais citer quelques-uns des fruits les plus favorables à cette opinion.

On rapporte qu’on sema du froment sur un champ qui depuis plusieurs années n’avoit pas produit de l’avoine, & que, malgré cela, ce champ donna une excellente récolte d’avoine & non de froment : donc, ajoute-t-on, la transmutation a eu lieu. On porta sur un champ la terre retirée de l’intérieur d’un ancien bâtiment sous lequel on creusoit une cave, & l’année suivante, au lieu d’avoir une récolte de seigle, il se trouva une plus grande quantité d’avoine que de seigle. Voilà, dit-on, deux espèces parfaitement constatées pour être naturelles, & pourvues de tous les caractères botaniques qui les constituent telles, transformées en une autre espèce aussi naturelle que les deux premières.

Admettons ces faits comme constans, quoiqu’ils ne ressemblent pas mal à celui de la dent d’or : un seul exemple répondra à tous les deux. Tous les papiers publics annoncèrent, il y a environ dix ans, qu’on avoit trouvé dans une citerne en maçonnerie, parfaitement sèche, fermée exactement & recouverte de terre, du froment que l’on estimoit y avoir été déposé pendant les guerres de religion ; que ce blé étoit parfaitement conservé, sans odeur, sans moisissure ; enfin, que semé comme le froment ordinaire, il avoit produit une bonne récolte. Ce fait, tout merveilleux qu’il paroît, est conforme aux loix de la physique.

L’expérience a prouvé que du blé bien sec, bien pur, mis en monceau & recouvert de deux à trois pouces de chaux réduite en poudre, se conservoit dans son état de perfection & de disposition à germer pendant un grand nombre d’années : il faut, il est vrai, avec une espèce d’aspersoir, imbiber peu à peu cette couche de chaux ; quelques grains de la superficie du monceau, végètent & dessèchent à mesure que cette poudre de chaux prend de la consistance & se cristallise : l’eau d’aspersion ne suffiroit pas à cette cristallisation, car, si on en donnoit trop, & trop à la fois ; cette eau filtreroit dans le mon-