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ÉTAIN, ÉTAMAGE. (Économie) Ce métal, d’une couleur blanche & brillante, d’une mollesse & d’une ductilité singulière, est trop employé dans les usages communs, & sur-tout pour la plupart des ustensiles que l’homme d’une fortune médiocre emploie dans son ménage, pour que nous le passions sous silence. Nous ne le considérerons pas ici comme naturaliste, ni comme chimiste ; ces deux objets sont trop éloignés du plan que nous nous sommes proposés ; mais l’intérêt public demande que nous traitions ici la fameuse question : l’étain est-il un métal dangereux, & le devient-il par un mélange naturel de l’arsenic dont on ne peut pas le dépouiller ? Nous renvoyons pour tout le reste, aux ouvrages de chimie & d’histoire naturelle qui traitent de ce métal, de ses mines, de la manière de les exploiter, & de ses combinaisons avec les différentes substances.

De l’usage de l’étain. L’usage de l’étain remonte aux temps les plus reculés de l’antiquité ; non-seulement on en faisoit des ornemens, comme il paroît d’après Homère, qui dit que les héros grecs ornoient de plaques d’étain les chevaux qui traînoient leurs chars dans les combats ; mais encore on le faisoit entrer, comme alliage, dans la préparation des métaux, soit pour les colorer, soit pour leur donner plus de facilité à être travaillés. C’est ainsi que Vulcain, suivant Homère, employa ce métal pour représenter la haie qui entouroit une vigne, si artistement ciselée sur le bouclier d’Achille. L’époque où l’on s’est servi de ce métal, pour en faire de la vaisselle, n’a pu être la même pour les grecs, les romains, les gaulois & les bretons. Les grecs ne l’ont connu assez abondamment, pour l’employer à cet usage, que vers le temps où le commerce des carthaginois avec la Grande-Bretagne le rendit plus commun. La conquête des gaules par César, l’introduisit, selon toutes les apparences, à Rome, tandis que les bretons & les gaulois, leurs voisins, l’employoient dans leur cuisine & sur leurs tables.

L’art de l’étamage suivit de près celui du potier d’étain ; & Pline nous apprend que, de son temps, on étamoit les vaisseaux de cuivre, pour les préserver de la rouille, & empêcher le goût désagréable que contractoient les substances qui y étoient contenues. Ils employoient aussi au même usage l’argent fin, puisqu’on a trouvé, dans les ruines d’Herculanum, des casseroles de cuivre, garnies en dedans d’une lame épaisse d’argent fin. Les gaulois, suivant lui, avoient encore trouvé le moyen d’allier le cuivre & l’étain, & d’en faire un métal mixte, si beau, qu’il étoit difficile de le distinguer de l’argent. Le commerce des nations européennes avec les Indes, où l’on trouve beaucoup de mines d’étain, a rendu ce métal infiniment commun ; enfin, il l’est devenu à un tel point, que presque tous les ustensiles des habitans des villes, & encore plus des campagnes étoient d’étain, jusque vers le milieu de ce siècle. L’art d’émailler, avec l’étain, les vaisseaux de terre cuite naquit en Italie dans la petite ville de Faenza, d’où ce genre de vaisseaux a pris le nom de faïence. Bernard Palissy, cet homme de génie, infiniment supérieur à son siècle, vint