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M. Changeux a fait imprimer, dans le Journal de Physique 1778. supl. T. 13, un mémoire sur l’étiolement qu’il attribue, non à la privation de la lumière, mais à la chaleur humide. Nous discuterons ces deux sentimens, après que nous aurons détaillé les expériences qui leur servent de base.

M. Bonnet dans son ouvrage intitulé, Recherches sur l’usage des feuilles, est le premier qui ait prouvé que l’étiolement étoit dû à l’absence de la lumière. Il sema trois pois, l’un à l’ordinaire, l’autre dans un tuyau de verre fermé, & le troisième dans une boîte de sapin fermée ; les deux premiers ont poussé à l’ordinaire, & le troisième seul s’est étiolé. Il en fut de même des haricots ; il observa encore que ces plantes ne s’étioloient pas dès qu’un des côtés de la boîte étoit de verre. Un bouton de vigne introduit dans un tuyau de fer blanc de trois pieds, & ouvert par en haut, produisit une tige d’un vert très-vif & fort étroite ; enfin, des graines semées dans différens étuis de verre, de bois, de carton, de papier, ont produit des plantes d’autant plus étiolées, que l’obscurité dans laquelle elles ont poussé, a été plus parfaite ; & dès qu’on pratiquoit de petites fenêtres dans ces étuis, les plantes prenoient une couleur un peu plus foncée vis-à-vis de ces ouvertures, que dans le reste de leur étendue.

M. Méese a été plus loin, & il a suivi les plantes depuis le moment de la germination de la graine, jusqu’à celui de la fructification. Il sema le 7 janvier des graines de cameline dans trois vases différens ; elles levèrent le 21 du même mois, dans le premier exposé sur une fenêtre au grand air ; le 20, dans le second placé dans un endroit séparé par une cloison de la chambre où étoit le premier, & dans lequel l’air se renouvelois continuellement ; un rayon de lumière qui entroit par une fente, donnoit un peu sur ce vase, & le 19, dans le troisième pot mis dans une obscurité parfaite. Au commencement de février, les plantes du troisième pot avoient des tiges blanchâtres, & trois fois plus longues que celles du premier, & d’un quart seulement que celles du second ; elles penchoient à terre, & étoient singulièrement tortillées ; les feuilles étoient jaunâtres, & elles moururent en moins d’un mois après : celles du second avoient les tiges assez semblables à celles du troisième, peu fermes, inclinées vers la lumière, & les feuilles peu vertes, tandis que celles du premier étoient comme toutes celles de son espèce élevées dans les jardins.

Il mit dans l’obscurité des plantes qui avoient déjà leurs premières feuilles, & après beaucoup d’expériences & souvent répétées, il s’aperçut toujours que les jeunes plantes ne vivent pas dans l’obscurité, n’y croissent pas ; que ce ne font que les grandes & les adultes qui peuvent y produire des tiges ; que les feuilles vertes, produites avant qu’on ait intercepté la lumière, périssent toutes ; tandis que celles qui ont été produites dans l’obscurité même, vivent plus long-temps ; que les parties qui sont naturellement vertes deviennent jaunes, tandis que la couleur pourprée paroît ne pas changer dans les feuilles & les pétioles nés dans l’obscurité, & qu’enfin