Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/530

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par la perte que ce vin a faite de son esprit & de son gas… Le vin austère & dur est celui où les matières colorantes & astringentes dominent. Ces vices sont dus quelquefois en partie à l’espèce de raisin, au terroir, au peu de maturité ; à ces exceptions près, ils sont toujours dus aux pépins, à la rafle, à l’enveloppe des grains de raisins. Ces vices sont encore attachés aux vins qui ont cuvé longtemps à l’air libre, sur-tout avec les rafles, &c. à ceux qui ont éprouvé une trop grande chaleur dans la fermentation, ou une fermentation trop long-temps continuée, quoiqu’avec une chaleur modérée. Ainsi, quand le raisin a toutes les qualités requises pour faire du bon vin, on peut être assuré que la fermentation peut le rendre austère, plat, dur & aqueux ».

Il résulte des excellens détails & des preuves données par dom Le Gentil, que le moment décisif de tirer le vin de la cuve, est celui où la partie sucrée est métamorphosée en substance vineuse ; qu’avant l’apparition de ce signe, le vin n’est pas fait, & qu’à mesure qu’on s’éloigne de cette apparition, il devient de plus en plus plat, grossier, aqueux, & enfin, qu’il est moins susceptible d’être conservé aussi long-tems qu’un vin bien fait.

Je conviens, dans tous les points, de l’avantage, de la simplicité & de l’utilité du procédé de dom Le Gentil : je le félicite de bon cœur d’avoir trouvé un signe plus fidèle que celui que je me contentai d’indiquer en 1766, dans mon Mémoire sur la fabrication des eaux-de-vie, & que je développai bien plus au long, en 1770, dans un autre Mémoire sur les vins de Provence. Cependant, je n’abandonne pas encore mon idée ; je crois que mon signe du décuvage, mis en concurrence avec celui annoncé par dom Le Gentil, pourra être de quelque secours. J’annonçai alors pour signe certain le commencement de l’affaissement du chapeau de la cuve, & la plus grande élévation de la chaleur de la liqueur du thermomètre plongé dans la cuve. J’avois pour moi l’expérience : depuis l’enfance j’avois vu faire le vin dans un canton limitrophe de Côte-Rôtie ; depuis l’âge de vingt-deux ans j’avois été chargé de le faire, & après une longue suite d’observations, je me déterminai à donner ce signe pour certain. J’avoue avec franchise que jamais il n’a été en défaut dans ce pays où le vin est assez précieux pour que l’on veille l’instant du décuvage avec la plus scrupuleuse attention, parce que deux ou trois heures de cuvage de trop, après ce signe, détériorent & dégradent singulièrement ce vin. Je me suis servi de ce même point d’affaissement dans différentes provinces du royaume, avec un succès marqué : aujourd’hui même en Languedoc, je le prends pour règle & je m’en trouve bien. Mon vin est assez coloré, il n’est ni plat ni dur, & supporte l’eau beaucoup mieux que ceux de mes voisins. Je décuve au moment même que j’aperçois le premier signe d’affaissement. Je dois à la vérité ce témoignage, si le raisin a été égrappé, & le grain exactement foulé, le marc monte beaucoup moins dans la cuve, & le premier mouvement de l’affaissement est moins prompt, moins caractérisé que celui d’une cuvée où le raisin a été égrainé & mal foulé : celui d’une cuvée dont la rafle n’a pas été enlevée, & le grain