Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/533

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n’en est pas de même de l’affaissement du marc, qui n’est souvent sensible qu’après l’apparition de notre signe, & quelquefois très-long-temps après. Mais, en admettant, contre l’expérience, que l’affaissement du marc suit toujours de très-près la plus grande élévation de la liqueur dans le thermomètre, quand elle s’y est maintenue quelque temps, on ne peut être assuré de ce moment critique, qu’après que cet affaissement est devenu très-sensible : (on le peut, dès le premier moment, sur-tout dans les cuves dont on n’a pas enlevé la rafle, &c.) Il faut encore qu’il ait été continué quelque temps, & que la liqueur dans le thermomètre baisse à l’unisson ; mais comme l’air extérieur peut avoir influé par sa froideur, sur l’abaissement de la liqueur dans le thermomètre & l’affaissement de la vendange, sur-tout dans les petites, & encore plus dans les très-petites cuvées, il faut, pour le connoître, un autre thermomètre placé hors de la cuve, & exposé à l’air du lieu où la liqueur fermente, dont la marche soit la même que celle du premier. S’il nous fait connoître quelques degrés de froid, il nous met dans l’incertitude, il nous jette dans l’irrésolution, nous hésiterons à tirer notre vin ; tout cela prend un temps qui nous est bien précieux, sur-tout pour les vins fins & délicats ; & lors même que la température de l’air extérieur n’a point changé, on sent qu’il faut bien du temps & des réflexions depuis la plus grande élévation dans le thermomètre, jusqu’à ce que l’affaissement continuel soit très-sensible, & il doit arriver souvent que le vin cuve bien plus qu’il ne faudroit. Mais si depuis la plus grande élévation de la liqueur dans le thermomètre, ou pour mieux dire, si depuis le plus haut degré d’élévation dans la vendange, on eût fait la dégustation du vin, on l’auroit tiré de la cuve au moment où la saveur sucre auroit disparu ; ce signe est à la portée de tous les cultivateurs, & celui que propose M. l’Abbé Rozier, ne peut être mis en usage que par des gens assez instruits pour pouvoir se servir de ces instrumens. »

Comme je n’attache réellement aucune importance à mes opinions, qu’autant que je les crois utiles, j’ai présenté le pour & le contre à mes Lecteurs, sans rien déguiser, sans diminuer les objections, & sur-tout, sans vouloir lui en imposer dans ce que je dis avoir vu & avoir fait ; ils seront à même de juger & de trouver la vérité. — Le très-estimable & très-savant dom Le Gentil, convient que les deux signes par moi indiqués, se rapprochent beaucoup du sien ; il sera donc naturel de se servir de tous les trois : on aura une certitude de plus, une approximation, & plusieurs points donnés pour parvenir au même but. Le lacédémonien Pœdarcte, lorsqu’il eut appris qu’il n’avoit point assez de suffrages pour être admis dans le conseil, s’en retourna joyeux de ce qu’il s’étoit trouvé dans Sparte trois cens citoyens qui valoient mieux que lui. Pénétré des mêmes sentimens, je me félicite de ce qu’un autre a découvert une route plus sûre, & sur-tout plus simple que celle que j’avois tracée. On dira en vain (car il faut dire quelque chose, lorsqu’on n’est pas de bonne foi) que le goût est un sens trompeur ; il ne l’est pas pour celui qui veut voir, observer, réfléchir, Je conviens que le gosier &