Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/540

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d’être est alors toute différente ainsi que leur produit qui est un alcali volatil, (voyez ce mot) une odeur fade, dégoûtante, & souvent nauséabonde. Les fluides, loin de s’élever, s’abaissent, s’affaissent & occupent moins de volume qu’auparavant. Les corps solides, par exemple, comme les grains, les fruits détachés de l’arbre, cèdent à la plus légère pression, commencent à former une espèce de pâte, & finissent par se réduire en eau, parce que dans cet état ils absorbent une grande quantité d’humidité de l’atmosphère. La chaleur & l’humidité sont les deux grands agens de la fermentation putride… Cette altération des principes doit-elle être appelée fermentation ? Les chimistes ne sont pas d’accord sur cette dénomination, parce qu’on n’y découvre ni bouillonnement, ni gonflement, ni aucun signe d’augmentation de chaleur : si la concurrence de ces trois signes est nécessaire pour caractériser la fermentation, l’acéteuse ne mérite donc pas ce nom, puisque du vin devient vinaigre dans le tonneau sans bouillonnement, sans gonflement, sans augmentation de chaleur, lorsque l’art n’aide pas la nature. Quoi qu’il en soit, on conserve, en général, le nom de fermentation à ce genre d’altération. Revenons à la fermentation putride dit vin.

J’ai indiqué dans ce qui a été dit précédemment, les espèces de muqueux qui, convertis en vin, sont le plus sujets à pourrir : mais quel est le signe extérieur qui indique & annonce cette décomposition ? Les procédés de la nature dans ce troisième période, sont tout opposés à ceux des deux autres, & sur-tout au second. L’air continue à jouer le plus grand rôle dans cette opération, car du moment que le vin perd, non seulement l’air fixe surabondant, qui lui étoit combiné, & relevois son goût vineux, mais encore celui qui est combiné dans les mixtes dont il est formé, il pourrit, s’affaisse sur lui-même, & n’occupe plus le même espace qu’auparavant, puisqu’il est privé d’une certaine quantité d’air qui soutenoit & soulevois ces parties. Cet air est élastique, il cherche à se débander ; aussi, lorsqu’un tonneau très-bien bouché & plein, perd du vin par les moindres ouvertures, par le fausset, il est clair que l’air intérieur, ne pouvant franchir l’obstacle que lui présente le bois du tonneau, presse la liqueur avec force, & l’oblige de sortir du tonneau où elle forme une moisissure ; dans ce cas, le sable placé autour du bondon est visqueux, pâteux, d’une couleur vineuse louche, & sent mauvais. Le même phénomène arrive souvent lorsque le vaisseau est bien rempli, qu’il est placé dans un lieu où l’action de l’air se fait sentir vivement, & sur-tout pendant les chaleurs, & tant que règne le vent du midi ; mais la couleur dans ce cas est plus vive, & l’odeur n’est pas désagréable. Comme on peut se tromper en ne considérant que ce signe, à moins qu’on se soit accoutumé à bien observer, en voici un qui ne laisse aucun doute : prenez la même vessie huilée dont j’ai parlé plus haut, adaptez-la vide au haut du tonneau ; peu à peu elle se remplit de l’air qui s’échappe de ce vaisseau ; enfin, elle se ballonnera. Pour peu que ce vin soit agité, pour peu que la chaleur augmente, qu’il y ait de