Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/602

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tire de l’air les principes qui doivent former la sève descendante, & la nourrir. Si les racines élaborent les parties substancielles, comme la sève soluble & les élémens savonneux qu’elles vont chercher dans la sève ; les feuilles, à leur tour, pompent & travaillent l’humidité, & l’air atmosphérique, le décomposent, s’en approprient le principe essentiel à l’entretien végétal, l’air fixe, & rejettent l’air vital ou déphlogistiqué, qui lui est inutile. Mais par quel mécanisme ce travail si important s’opère-t-il ? Avant que de répondre à cette question, prouvons par l’expérience qu’il s’opère, & démontrons par les faits que la feuille suce & attire, non seulement l’air atmosphérique, mais encore l’humidité & les molécules des corps qu’elle tient en dissolution.

1°. La feuille pompe l’air atmosphérique. Si l’on a lu attentivement l’article que nous avons cité plus haut, on aura remarqué sans doute l’expérience de M. Fabroni, & celles que j’ai faites sur les feuilles de plusieurs plantes. Dans la première, l’air atmosphérique & les émanations du fumier frais, avoient d’abord pénétré par l’écorce de la tige ; mais après le développement des boutons, les feuilles étoient devenues l’organe principal de la succion. Dans les miennes, l’expérience a été plus directe : je ne me suis servi que de feuilles, & l’on ne peut s’empêcher d’être étonné de la quantité d’air que ces feuilles avoient absorbé. Cet effet eût été encore bien considérable, si j’avois fait les expériences sur des feuilles adhérentes encore à la tige, au lieu qu’elles en étoient détachées, & par conséquent, dans un état de maladie tendant à la mort. Je n’ai pu m’assurer si la surface supérieure pompoit l’air avec plus d’énergie que la surface inférieure, mais je croirois volontiers que, la seconde paroissant chargée spécialement de pomper l’humidité, la première a l’emploi de s’approprier l’air atmosphérique, d’autant plus que dans les feuilles des plantes nageantes, comme le nénuphar, c’est toujours la surface supérieure qui regarde le ciel.

2°. La feuille pompe l’humidité. Comme M. Bonnet est l’auteur qui a fait le plus d’expériences dans ce genre, c’est aussi celui dont nous allons les emprunter, pour démontrer ce que nous avons avancé. Voici comment il les a faites. Il prenoit des vases qu’il remplissoit d’eau jusqu’à leur bord, & posoit dessus les feuilles qu’il soumettoit à l’expérience, les unes par la surface supérieure, les autres par l’inférieure. Quatorze espèces de plantes herbacées ont fourni à ces essais. C’étoient le plantain, le bouillon blanc, le pied de-veau, la grande mauve, l’ortie, le haricot, la belle de nuit, le soleil, le chou, la mélisse, la crête de coq, l’amaranthe à feuilles pourpres, l’épinard, & la petite mauve. Parmi ces plantes, le pied-de-veau, le haricot, le soleil, le chou, l’épinard & la petite mauve ont vécu à peu près aussi long-temps, soit qu’elles aient pompé l’eau par leur surface supérieure, soit par l’inférieure. La surface inférieure a paru avoir quelqu’avantage sur l’opposée dans la belle de nuit & dans la mélisse ; la supérieure a paru avoir plus d’énergie dans les autres, sur-tout dans l’ortie, le bouillon blanc & l’amaranthe. On doit remarquer la longue vie de quelques-unes de ces feuilles mises en