Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/64

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grand secours pour le végétal, parce qu’elle n’offriroit pas ces substances sous l’état le plus propre à la combinaison ; mais en dissolvant les parties salines, elle acquiert elle-même alors la propriété de se combiner aux molécules huileuses qui résultent de la décomposition des végétaux & des animaux, de former avec elles un vrai savon ; ce savon naturel, susceptible d’une division extrême, s’insinue à travers les pores & les suçoirs des racines, pénètre dans l’intérieur de la plante, s’y mêle à la sève, au suc propre, aux différentes humeurs, s’y délaye de plus en plus, s’y décompose, & par l’acte de la végétation, en rapport avec celui de la vitalité animale, il se sépare en deux portions : l’une devient partie solide, l’autre restant fluide, se réunit aux fluides, ou séchappe par les vaisseaux excrétoires, sous forme de transpiration sensible & insensible.

La quantité d’eau qui réside dans toutes les parties du végétal, l’entretient dans cet état de moiteur continuelle, si avantageux & même si nécessaire au jeu libre de tous les organes. La moindre circonstance qui détruit cette juste proportion, occasionne toujours des accidens plus ou moins sensibles à la plante. L’eau est-elle trop abondante, & l’atmosphère ou la terre en fournissent-ils une quantité excédente ? bientôt la plante s’en ressent, elle prend un accroissement disproportionné, mais, qui manque de la vigueur & de la solidité qu’auroit données une bonne nourriture. Une pâleur universelle dans la couleur des feuilles, annonce une maladie commencée, un vice dans la sève. Il se forme des dépôts aqueux, des extravasemens de la sève qui, fermentant & s’aigrissant insensiblement, corrode les vaisseaux qui là renferment, les pourrit, attaque les parties voisines, & de couche en couche parvient enfin jusqu’à l’écorce extérieure s’il se produit une plaie & un écoulement qui à la longue épuisent l’arbre. Une sécheresse longtemps continuée vient-elle à dépouiller l’air de l’atmosphère de l’humidité dont il est ordinairement imbibé, & la terre, de l’eau nécessaire à la végétation ? bientôt la plante s’altère, les sucs nourriciers n’étant plus délayés, ne circulent qu’avec peine, ils ne peuvent plus s’élaborer comme il faut ; les combinaisons savonneuses ne sont plus intimes, & par conséquent la dissolution & la division ne sont pas assez complètes pour mettre la terre & les autres substances qui doivent concourir à la formation, au développement & à l’entretien de la plante. Cet état de desséchement s’annonce par une teinte jaunâtre qui se répand sur toute la plante, ses branches se courbent vers la terre, & semblent aller au-devant du peu d’humidité qu’elle laisse échapper de son sein. Si cet état d’altération dure trop longtemps, la plante finit par périr.

Le bain qui est si avantageux à l’homme, ne l’est pas moins pour la plante dans certaines circonstances : c’est sur ce principe qu’est fondé l’effet salutaire des pluies, (voyez ce mot) non-seulement comme imbibant la terre, mais encore comme humectant les tiges, les branches & les feuilles des plantes, & le lavage des troncs d’arbres fruitiers avec des éponges & des brosses, que plusieurs agriculteurs pratiquent en Angleterre avec le plus grand succès. Cette