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des autres caves sont à peu près les mêmes.

On voit en différens endroits du rocher où les caves sont creusées, & sur-tout près du pavé, des fentes ou de petits trous irréguliers, d’où sort un vent froid, & assez fort pour éteindre une lumière qu’on approche de l’ouverture, mais qui perd sa force & sa rapidité à trois pieds de sa sortie. C’est à sa froideur principalement qu’on attribue celle qui règne dans les caves, & qui se fait aussi sentir dans le vallon. Les gens du pays, trompés par leurs sensations, soutiennent que leurs caves sont chaudes en hiver, & froides en été ; ils y portent les viandes & les alimens, afin de pouvoir les conserver long-temps : le vin, disent-ils, y devient aussi frais qu’à la glace.

Pour examiner la froideur des caves de Roquefort, qui peut dépendre des vents souterrains qui y soufflent, des sels qu’on y emploie à saler les fromages, & plus particulièrement de la nature & de la position du terrain, j’exposai, dit M. Marcorelle, le 9 octobre 1753, à l’air libre & au nord, un thermomètre à mercure, dont l’espace entre le terme de l’eau bouillante & celui de la congélation, étoit divisé en cent parties égales : la liqueur monta ce jour-là, à dix heures du matin, par un vent de sud-est & par un temps humide, à treize degrés au-dessus du point de la congélation. Ce même thermomètre ayant été porté dans la suite dans le souterrain d’une cave, le mercure se tint à cinq degrés & demi au-dessus du même terme. Enfin, en vérifiant la froideur de quelques autres caves, je trouvai que la différence de la plus à la moins froide étoit de deux degrés. M. Lesage, de l’Académie des Sciences de Toulouse, avoit fait, l’année précédente, de semblables observations. Le 28 septembre 1752, il exposa à l’air extérieur un thermomètre à l’esprit de vin, gradué suivant la méthode de M. de Réaumur : la liqueur se fixa à huit heures du matin au quatorzième degré au-dessus de la congélation ; elle descendit au septième degré au-dessus du même terme dans sept à huit caves, & parvint au cinquième degré, toujours au-dessus de la glace, dans le souterrain de deux caves seulement. Il seroit important, ajoute M. Marcorelle, de répéter ces expériences dans différentes saisons.

À Roquefort on fait une très-grande différence des fromages d’une cave à une autre. Je n’ai pas été sur les lieux ; mais j’oserois croire que les meilleurs fromages sont ceux des caves les plus froides ; que leur fraîcheur n’est point égale, suivant l’état de l’atmosphère ; qu’elles doivent être beaucoup plus fraîches quelques jours après qu’il est tombé une certaine quantité de pluie, parce qu’alors il y a plus d’évaporation, & par conséquent plus de froid ; que lorsque les montagnes sont sèches par l’absence de la pluie depuis longtemps, le courant d’air qui s’élève du sol de la cave doit être beaucoup plus chaud que dans toute autre circonstance. Si les choses sont ainsi que je l’aperçois ; si effectivement la fraîcheur, plus forte & plus égale, concourt à la perfection du fromage, on pourroit obtenir par art, dans les caves de qualité inférieure, l’avantage des autres, & que la position refuse à celles-ci. Comme il est très-