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forme jusqu’à ce qu’elle soit bien comble. Pour le faire égoutter on le presse fortement, soit avec une presse ordinaire, soit avec des planches bien unies, que l’on charge d’une pierre qui pèse environ 50 liv. Le fromage demeure environ 11 heures dans la forme : pendant ce temps, on le tourne d’heure en heure, ensorte que le dessous vienne au-dessus. Quand il ne sort plus de petit lait par les ouvertures de la forme, on en tire le fromage ; on l’enveloppe d’un linge pour l’essuyer, & on le porte à la fromagerie, qui est une chambre où l’on fait sécher le fromage sur des planches bien exposées à l’air, & rangées à différens étages le long des murs. Afin que les fromages ne se gercent pas en séchant, on les entoure de sangles faites avec de grosses toiles qu’on serre le plus fortement qu’il est possible. On les range ensuite à plat sur des planches à côté les uns des autres, de façon qu’ils ne se touchent que par très-peu de points ; ils ne sont bien secs qu’après 15 jours, encore même faut-il, durant ce temps, les tourner & les retourner au moins deux fois par jour. On a encore soin de frotter, essuyer & souvent de tourner les planches. Sans ces précautions, les fromages s’aigriraient, ne se coloreraient pas dans les caves, s’attacheroient aux planches, & se romproient ensuite quand on voudroit les détacher.

Dès que les fromages sont secs, on les porte dans les caves de Roquefort, où on commence par les saler : on y emploie du sel de Peccais, broyé dans des moulins à blé. Celui de soude gâte les fromages. M. Marcorelle observe que des troupeaux auxquels, par une économie mal entendue, quelques particuliers donnent du sel de verrerie, au lieu de celui des salines de Peccais, maigrissent, & que leur laine devient de mauvaise qualité. On jette d’abord sur une des faces plates de chaque fromage, le sel de Peccais moulu & pulvérisé ; 24 heures après on les tourne pour jeter sur l’autre face une même quantité de sel. Au bout de deux jours on les frotte bien tout autour avec un morceau de drap ou avec une grosse toile ; & le surlendemain on les ratisse fortement avec un couteau : ces raclures servent à composer une espèce de fromage en forme de boule, qu’on nomme rhubarbe, & qui se vend dans le pays 3 à 4 sols la livre.

Après ces opérations, on met huit à dix fromages en pile, & on les laisse de la sorte pendant 15 jours. Au bout de ce temps, & quelquefois plutôt, on apperçoit à leur surface une espèce de mousse blanche, fort épaisse, longue d’un demi-pied, & une efflorescence en grains, dont la couleur & la forme ressemblent assez à de petites perles. Ayant raclé de nouveau pour enlever ces matières, on range les fromages sur les tablettes qui sont dans les caves. On renouvelle ces procédés tous les 15 jours, ou même plus souvent pendant l’espace de deux mois. Durant cet intervalle la mousse paroît successivement blanche, verdâtre, rougeâtre ; enfin les fromages acquièrent cette écorce rougeâtre que nous leur voyons. Ils sont alors assez mûrs pour être transportés aux endroits où s’en fait le débit.

Avant d’arriver à ce point, ils subissent plusieurs déchets ; ensorte