Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/453

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remuée contre le pied de la plante, afin de la chausser ; par ce moyen, elle se trouve occuper le sommet ou milieu de la partie bombée & saillante du sillon. Lorsque les premières fleurs seront nouées, on peut encore donner un troisième labour, & plus on les multiplie, plus on augmente le produit & la récolte. Je n’en ai jamais vu de si abondantes que dans ces parcelles de terrain abandonnées aux pauvres habitans : comme les haricots sont le seul bien dont ils ont la jouissance, tous les momens de loisir du père, de la mère & des enfans, sont employés à sarcler, piocheter, ramer, & arranger les filets.

Dans certains cantons du royaume, on arrête & on pince les filets lorsqu’ils s’élancent & lorsqu’ils sont parvenus à une certaine hauteur : cette méthode est-elle avantageuse ou nuisible ? Je n’ose prononcer définitivement ; elle me paroît avantageuse dans les pays chauds, lorsqu’on a la facilité d’arroser, parce que le pincement fait pousser des filets latéraux sur les tiges, & leurs fleurs & leurs fruits ont le temps de mûrir ; mais si le pays est très-chaud, on aura beau arroser, la grande chaleur précipitera la plante, & les tiges latérales auront épuisé la mère-tige en pure perte. Il en est ainsi pour toute espèce de haricots, parce qu’ils demandent un degré de chaleur à peu près précis, & sur-tout une graduation proportionnée dans la marche de la chaleur. Il est de fait que les haricots subsistent plus longtemps sur pied & en bon état dans les climats tempérés que dans les pays chauds, & beaucoup moins dans les pays très-chauds, à moins qu’on n’y craigne pas les gelées & les rigueurs de l’hiver ; alors c’est le cas de semer en janvier ou février, & la plante conserve une belle végétation jusqu’aux grandes chaleurs. ; dans nos provinces septentrionales, au contraire, je regarde le pincement des filets comme très-inutile, puisque la chaleur de l’atmosphère n’est souvent pas assez forte pour mûrir les haricots d’espèces tardives ; alors c’est le cas de semer les espèces hâtives, grimpantes ou naines, indiquées dans le Chapitre second. Comme il m’est impossible de désigner telle ou telle méthode pour chaque canton en particulier, c’est à l’expérience du cultivateur à décider sur les lieux si le pincement est nuisible ou avantageux, & à l’engager à ne pas prononcer sur l’expérience d’une seule année ; le pincement me paroît plus nécessaire, lorsqu’on n’a pas de rames à donner aux haricots grimpans : leurs filets s’entrelacent & se tordent les uns sur les autres en pure perte ; ce ravalement les réduit, pour ainsi dire, à l’état de haricots nains.

On attend, pour cueillir les gousses des haricots qu’on veut conserver en sec, que la rosée soit entièrement dissipée, & que le soleil soit vif & chaud. S’il s’agit de la récolte des haricots grimpans, on la fait à mesure que les gousses se sèchent, & on les sépare de la tige sans l’endommager. Le cueilleur, à cet effet, tient d’une main la tige, saisit de l’autre la gousse, & avec l’ongle en coudant son pédicule, le caste, le sépare de la tige, & jette la gousse dans un panier ou dans le tablier replié & attaché autour de lui. Quelques personnes font couper le pédicule avec