Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/562

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mencent à changer de couleur, tandis que les autres sont trop mûres : voilà deux extrêmes à éviter. Dans le premier cas on aura moins d’huile, & d’un goût âpre, amer, & elle sera chargée d’un mucilage inutile ; dans le second, l’huile est trop grasse, perd son goût de fruit ; enfin, elle a une tendance singulière à devenir forte, rance, & à ne pas se conserver ; même en supposant que les olives aient été cueillies avec soin. Pendant l’intervalle des différentes maturités, s’il survient des coups de vent, (très-fréquens dans cette saison & dans les provinces du royaume où croît l’olivier), il en tombe un très-grand nombre des arbres, mûrs & non mûrs, suivant l’énergie du coup de vent. Ces olives sont successivement exposées à l’humidité des rosées, à la dessiccation lorsque le soleil paroît, & aux effets de la chaleur de ses rayons. Ces alternatives perpétuelles détériorent le fruit, le mucilage moisit, pourrit sous l’écorce ; la quantité d’huile n’est pas diminuée, mais elle en est altérée au point que lorsqu’on l’exprimé, même sans avoir amoncelé le fruit, & lorsqu’on le presse sans le secours de l’eau chaude, &c., son odeur est fétide, & sa saveur âcre & détestable. Le seul parti à prendre, est de faire ramasser ces olives, &, dans aucun cas, ne pas les mêler avec celles qu’on doit cueillir sur les arbres. Il est donc absurde d’avoir plusieurs espèces d’oliviers dans un même champ, ou du moins, des olives inégales en époque de maturité.

Il en est des oliviers comme des vignes ; l’espèce de plant, l’exposition, le grain de terre, changent, d’une façon extraordinaire, la qualité du produit de deux champs, quoique limitrophes. Je ne citerai qu’un exemple. L’olivier planté sur la montagne appelée d’Avignon, à Aix en Provence, fournit un fruit dont l’huile n’approche pas de celle qu’on retire des oliviers de la colline au-dessus du Séminaire. De cette diversité de qualité dans l’huile, quoique retirée des mêmes espèces d’olives & avec le même soin, il en résulte, en grand, qu’on ne doit pas mêler les olives des coteaux avec celles des bas-fonds ; celles des terres fortes & végétatives avec celles des sols rocailleux, pierreux, &c. On veut l’abondance, on va au plus vite fait, & on détériore les qualités. On auroit eu la même abondance, & l’opération auroit été presqu’aussitôt achevée si on avoit eu un peu plus de précaution, sans même augmenter la dépense. C’est souvent de ces petits soins réunis que dépend la perfection.

L écorce est la conservatrice des fruits, elle est pour eux ce que l’épiderme & la peau sont à notre chair. Dès que la peau est entamée, les impressions de l’air augmentent la plaie. C’est précisément la même chose pour les fruits, pour l’olive jusqu’à ce que la dessiccation ait fermé la cicatrice ; mais la plaie ne se ferme plus dès que le fruit mûr ou non mûr est séparé de l’arbre qui le portoit ; il ne lui reste qu’à se corrompre. De ces points de fait, qu’il est si facile de vérifier, on doit de toute nécessité conclure qu’il est absurde de gauler les oliviers avec de grandes perches pour en abattre le fruit. Les coups redoublés portent sur les olives & les meurtrissent ;