Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/616

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tient à la connoissance du principe de cette viscosité. Les eaux qui débordent entraînent avec elles, non-seulement un grand nombre de plantes, mais encore une partie des principes constituans de celles qu’elles n’ont pu arracher, mais qu’elles ont attaquées ou dans leur course, ou dans leur stagnation. La partie colorante, la gommeuse, la mucilagineuse, sont celles qui éprouvent le plus facilement l’action de l’eau ; ce sont aussi celles qui se dissolvent, sur-tout à l’aide d’un commencement de fermentation que ces plantes éprouvent dans l’eau. Cette eau séjournant dans les endroits qu’elle a inondés, y dépose ces parties mucilagineuses ; lorsqu’elle se retire ou qu’elle disparoit par l’évaporation, ce mucilage se réduit pour ainsi dire, sous forme d’extrait qui retient constamment une portion d’humidité par sa viscosité naturelle. Ce mucilage devient très sensible par une couleur verdâtre ou grise, dont il tapisse tous les corps ; non-seulement cette humidité se dissipe difficilement, mais elle semble, pour ainsi dire, se régénérer sans cesse, sur-tout si la base sur laquelle elle est, est de nature à absorber beaucoup d’eau, & à la retenir très-long-temps, comme les vieux murs, les maisons anciennes, les sols humides par eux-mêmes, &c. alors ces endroits deviennent malsains, & il n’est pas aussi facile d’y ramener la salubrité qu’on le pense. Dans cet état, ces habitations exposent nécessairement les hommes & les animaux qui sont contraints d’y demeurer, à des maladies plus pu moins dangereuses. Les meilleurs tempéramens, les constitutions les plus robustes s’y altèrent insensiblement & elle est souvent l’origine de ces épidémies qui désolent les contrées basses, ou les pays qui ont été inondés. L’humidité des rez-de-chaussée est analogue à celle dont nous parlons ici, & que les inondations laissent après elles. On doit même observer avec M. Cadet de Vaux, que, quoique moindre que celle des caves, & qu’elle ne soit pas sensible au thermomètre, elle est souvent plus nuisible ; elle a même un caractère particulier, c’est de saisir les extrémités inférieures, & de leur communiquer un engourdissement, une lassitude, une fraîcheur qui occasionne des douleurs de rhumatisme, ou ne tarde pas à les réveiller chez les personnes qui en sont affectées.

Il est cependant des moyens de parer à ces inconvéniens, sur-tout en s’y prenant de bonne heure. La première précaution & la plus facile, c’est, lorsque les eaux se sont retirées, de laver les murs, les planchers, & en général tous les corps qui ont été couverts, avec de l’eau fraîche de puits, de fontaine, ou de rivière. Cette eau dissoudra le mucilage adhérent, l’entraînera avec elle, & le fera évaporer. Il faut répéter ce lavage jusqu’à ce que toute cette humidité soit disparue. Cette pratique est très-usitée en Hollande, où l’on lave les maisons une ou deux fois par semaine ; c’est le seul moyen qu’ils emploient pour détruire ou prévenir l’humidité visqueuse qui s’attacheroit sans cela à leurs murs. De grands courans d’air établis dans ces appartemens, du feu, des poêles allumés hâteront encore cette dessiccation.