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sont maigres ; mais il vaut mieux n’en planter qu’un seul. Plusieurs jardiniers coupent les feuilles, & ne laissent que le cœur ou œilleton, & presque tous mutilent les racines. Ne retranchez absolument que les feuilles pourries ou sèches, & respectez toutes les racines. Si vous doutez de la bonté de cette maxime, plantez à la manière des jardiniers, & suivant celle que j’indique ; l’expérience vous instruira mieux que je ne le ferois. Formez autour du collet de la racine une espèce de petit bassin de six pouces de diamètre, & de trois pouces de profondeur, au fond duquel on place la plante. Cette précaution est essentielle, parce que le collet des racines s’élève toujours.

Plusieurs espèces demandent souvent à être renouvelées ; car cette plante sauvage, & que nous nous efforçons de naturaliser dans nos jardins, y dégénère après quelques années. Recourez souvent aux bois, aux montagnes, &, si vous le pouvez, changez tous les trois ans.

III. Des soins après La plantation. Aussitôt que le fraisier est en place, on doit lui donner une bonne mouillure, afin de serrer la terre contre les racines ; tenir les jeunes pieds bien sarclés, & la terre bien travaillée.

C’est une erreur de penser qu’il faut s’opposer à la pousse des coulans, sur-tout dans les premiers mois ; plus on les supprime souvent, plus il en repousse, & plus la plante s’épuise. Les coulans sont aux fraisiers ce que les branches sont aux arbres, & ce que les boutons sont aux branches. On oblige l’abondance de la sève à s’échapper par tout où elle peut, & à pousser en œilleton ce qui auroit été produit seulement l’année suivante. Bientôt la plante est la victime de ces soustractions multipliées. Dans les bois, la nature n’emploie pas beaucoup de moyens pour de telles mutilations. Je conviens cependant que, le printemps une fois passé, on peut alors supprimer ces coulans, ou en conserver quelques-uns, si on a besoin de sujets à replanter ; alors la sève n’est plus si impétueuse, elle forme de nouveaux coulans en petit nombre, & on ne risque rien à les supprimer, parce que la révulsion de la sève, qui s’exécute alors, tourne au profit des œilletons : chaque année il convient de répéter les mêmes opérations, les mêmes travaux, & la troisième année une fois passée, on arrache les pieds ; on travaille de nouveau la terre, & on la regarnit par d’autres jeunes pieds. Il est rare de voir prospérer des fraisiers après cette époque ; cependant les habitans de Montreuil, par leurs soins multipliés, les conservent jusqu’à cinq & même six ans dans un bon rapport.

Les fraises des mois & des bois sont celles qui dégénèrent le plus promptement dans nos jardins, parce que ce sont des espèces primitives, & les autres simplement des espèces jardinières ; cette différence nécessite à imiter la nature dans ses opérations. Ces deux espèces exposées à nu au gros soleil, souffrent beaucoup. L’expérience a démontré qu’en couvrant le sol avec des feuilles, de la mousse, &c. elles dégénèrent moins promptement. Cette couche empêche la trop grande évaporation de la terre, retient l’humidité, &