Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/707

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qu’il convient de choisir le levain variolique sur un sujet dont la petite vérole soit de bonne espèce, & bénigne, dont les père & mère soient sains ; il convient encore que ce sujet n’ait pas été infecté de gale, de scorbut, de teigne, de dartres, d’écrouelles, ni d’aucun vice essentiel dans la masse des humeurs.

« On mettra à découvert les deux bras de celui qu’on veut inoculer dans une des pièces éloignées de celle où est le varioleux, &, avec une lancette qu’on aura chargée de pus varioleux, en perçant plusieurs boutons en pleine suppuration, on soulèvera doucement l’épiderme, ayant grand soin de ne pas faire saigner la petite plaie qu’on fait ainsi, & qui doit être imperceptible. Enfin, l’épiderme seul doit être détaché à-peu-près comme le font les écoliers dans leurs jeux, lorsqu’ils passent finement des épingles entre la peau & la sur-peau. Il est inutile de rouler la lancette ; on courroit risque de blesser la peau jusqu’au sang, ce qu’il faut éviter très-soigneusement. On fait deux ou trois piqûres pareilles sur chaque bras, & on a le soin de passer le doigt aussitôt après sur l’endroit piqué, & de le frotter afin que le pus qui s’est arrêté en partie au bord de la plaie y pénètre davantage. Ensuite on abandonne l’enfant à lui-même, qui, ne sentant rien, ni n’apercevant aucune blessure, reprend sa première gaieté, que la perplexité d’un moment lui avoit fait perdre.

» Cette manière d’inoculer, toute simple qu’elle est, n’est pas aussi facile dans son exécution, que celle que nous allons décrire : il n’est pas de paysan, pour si rustre qu’il puisse être, ni de nourrice, qui ne soit à même de la pratiquer. Elle consiste à racler avec l’ongle la peau jusqu’à l’excorier, & la frotter avec du pus variolique. On pourroit encore suppléer à une lancette, avec la pointe d’une grosse épingle ou d’un cure-dent chargé de levain varioleux. M. Gardane ajoute qu’il faudroit multiplier les piqûres.

» Il est aisé de voir par le détail où nous sommes entrés, combien cette opération est facile, & comment les personnes les moins exercées peuvent la pratiquer dans tous les temps & tous les lieux. » Trois jours après cette opération, les piqûres commencent à donner des marques d’infection ; on y apperçoit un petit cercle rouge qui s’agrandit de plus en plus, prend la couleur d’un rouge plus foncé, s’élève en bouton, s’enflamme, & suppure ; c’est ordinairement vers le sixième jour que la suppuration locale commence : c’est alors que le bouton varioleux blanchit à son centre, que l’inflammation s’étend à la circonférence, & le noyau devient plus douloureux. Si on examine avec attention cette partie, elle est environnée de plusieurs petits boutons varioleux qui deviennent beaucoup plus sensibles le jour suivant.

À cette époque la fièvre d’invasion commence, elle paroît avec tout l’appareil qui caractérise la petite vérole. Les inoculés ne sont pas aussi gais qu’ils l’étoient auparavant ; ils commencent à se plaindre de mal de tête ; ils se sentent plus foibles & plus abattus ; leur sommeil est interrompu.