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long-temps de cette molle éducation.

On ne sauroit faire les semis de trop bonne heure, relativement au pays que l’on habite, surtout des graines qui pourrissent difficilement en terre. Elles ne végéteront que lorsque l’air de l’atmosphère sera au degré de chaleur convenable à leur développement. En semant trop tard on court risque d’avoir une germination trop précipitée. Si on désire une règle infaillible, que l’on consulte la nature, & que l’on épie le moment où le frêne commence à entrer en sève. Alors hâtez-vous de semer. Un bon labour de huit à dix pouces suffit, & quelques serfouissages pendant les deux premières années. Le point le plus important est la destruction des mauvaises herbes.

Si on trouve l’opération du semis très-longue, on peut aller au pied des gros ormeaux, & dans son voisinage, où l’on trouvera une infinité de jeunes pieds venus de graine. Soit que vous les enleviez de ces lieux agrestes ou des pépinières, ménagez le pivot & les racines ; je l’ai déjà dit cent fois, & je le répéterai aussi souvent que l’occasion s’en présentera, parce que la grande beauté de l’arbre dépend principalement de ces deux objets.

Il en coûtera plus pour l’ouverture des fosses, pour déraciner les sujets, & l’excédent de cette dépense se réduira à zéro, si on le compare à ce qu’il en coûte ensuite pour le remplacement des arbres morts. On ne voit jamais que le moment présent, & on ne porte jamais sa vue sur l’avenir. Ou plantez bien, ou ne plantez point du tout.

Le meilleur temps pour la transplantation, est, à mon avis, huit à quinze jours après la chute des feuilles, dans leur ordre naturel, & non par accident, à moins qu’on veuille boiser un terrain aquatique, ou submergé pendant l’hiver. Je crois que la glace & l’eau trop abondantes nuiroient à l’arbre. Je ne l’ai pas essayé. Les transplantations tardives mettent dans le cas de craindre les sécheresses du printemps, sur-tout dans les provinces méridionales ; & dans ces provinces les racines-mères poussent des petits chevelus pendant l’hiver, qui les mettent dans le cas de pomper l’humidité de la terre, & par conséquent d’avoir plus de sève lors du développement des premiers bourgeons : l’expérience m’a démontré la nécessité des transplantations précoces.

Pendant les deux premières années, après la transplantation, laissez pousser toutes les branches, sans les retrancher sous prétexte de former la tige de l’arbre. À la troisième année, supprimez celles qui ont poussé pendant la première ; à la seconde, celles de la troisième, & ne conservez que celles de la tête ; par ce moyen la tige prendra une forte consistance, elle formera une belle tête, & n’aura pas besoin de tuteur, parce qu’elle ne sera pas effilée. La nature a mis un équilibre entre les branches & les racines. Plus vous retranchez les premières, plus vous appauvrissez les secondes. Laissez donc subsister les petites branches qui poussent le long de la tige, jusqu’à ce qu’elle soit forte, & que les branches du sommet ayent de la consistance, ce qui arrive ordi-