Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/134

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son exécution ; & lorsqu’il regarde une chose comme nuisible, ou seulement inutile, il sait pareillement obliger tout son monde à la rejeter, ou à s’en abstenir. C’est encore une de ses grandes maximes, qu’il faut commencer par extirper tout ce qui est nuisible & inutile, avant de songer à la moindre amélioration. Tant qu’on n’a pas arraché les mauvaises herbes d’un champ, tout engrais, bien loin d’être avantageux, ne sert qu’à faire multiplier ces plantes parasites, qui enlèvent à la bonne semence toute sa nourriture.

Kliyoogg tenoit le seul cabaret qu’il y eût dans le village ; il en résultoit en apparence un profit assez considérable pour le ménage : un examen plus réfléchi l’eut bientôt convaincu du contraire ; il frémit à la seule pensée des funestes impressions que l’exemple dangereux des gens qui fréquentoient son cabaret, feroit sur ses enfans.

Il découvrit un autre source de la ruine du ménage dans la coutume où l’on est de faire de petits présens aux enfans, à l’occasion d’un baptême, ou pour les étrennes, &c. Ces sortes de présens, dit-il, font que les enfans s’accoutument de bonne heure à se faire de petits revenans bons par d’autres voies que par leur travail, ce qui devient un germe de fainéantise qui est la racine de tous les maux.

Il ne veut pas que dans son ménage, aucun jour de l’année jouisse d’aucune distinction par rapport à la table. Chez lui, les dimanches & fêtes, la clôture des fenaisons de la récolte, la fête du village, les baptêmes de ses enfans, &c. n’ont aucune préférence, quant à la bonne chere. Il pense qu’il est absolument contre le bon sens de donner plus de nourriture au corps dans les jours destinés au repos, que dans les jours ouvrables où les forces épuisées, par un travail pénible, ont besoin de beaucoup plus de réparations. C’est pourquoi il a soin de régler les repas suivant la nature du travail. Ainsi, c’est lors des grandes fatigues, que l’ordinaire se trouve le plus abondant. Il ne boit pas de vin à ses repas, mais il en prend sa mesure réglée avec lui dans les champs ; là, il lui tient lieu de confortatif, lorsqu’il sent que son corps s’épuise par la fatigue C’est le seul usage auquel l’ait destiné la providence.

L’objet que notre Sage regarde comme le plus important, & sur lequel il porte le plus d’attention, est l’éducation de ses enfans, qu’il envisage comme le plus sacré de tous ses devoirs. Il considère ses enfans, comme autant de bienfaits de la Divinité à laquelle il ne peut marquer sa reconnoissance qu’en leur aplanissant le chemin qui conduit à la vraie félicité, persuadé qu’ils crieroient vengeance contre lui, s’il les mettoit dans la mauvaise voie. Son grand principe à cet égard, est de tout mettre en usage pour empêcher qu’il ne se glisse des idées fausses & des désirs déréglés dans ces ames tendres. Il avoit observé que toutes les opinions & les manières d’agir des enfans prenoient leur source dans ce qu’ils entendoient dire & voyoient faire aux personnes plus âgées ; c’est pourquoi il veut qu’ils soient continuellement sous ses yeux ; il se fait (autant qu’il est possible) accompagner par ses enfans dans ses tra-