Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/151

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décidé (en général) la manière de labourer suivie dans le pays ; l’expérience a même démontré qu’elle étoit à certains égards préférable à toutes autres ; mais a-t-on bien examiné si, en ouvrant un fossé magistral, d’une toise de largeur sur autant de profondeur, & le conduisant vers une extrémité du champ, où des sondes auront appris que la terre est perméable à l’eau, cette vaste saignée ne suffiroit pas pour assainir le sol ? Ne pourroit-on pas faire correspondre à ce fossé magistral, plusieurs fossés latéraux qui couperoient le champ dans toutes ses parties ? Je conviens que ces travaux entraînent à de grandes dépenses ; qu’elles sont encore multipliées par le transport des pierrailles qui doivent remplir aux deux tiers le fond de ces fossés qu’il en coûtera beaucoup pour finir de les remplir avec la terre qu’on en aura retirée ; enfin, pour égaler la terre superflue sur ce champ ; mais ici c’est une affaire de calcul. Tout propriétaire peut voir, en remontant aux six ou dix récoltes précédentes, combien il a perdu de grains par la stagnation des eaux ; estimer sur la totalité du champ, la portion de terre non couverte par l’eau, qui a produit du grain ; enfin comparer cette production avec celle qu’auroit donné le même champ, si tout le sol avoit été couvert d’épis. De cette comparaison première, il doit en faire une seconde ; estimer ce que lui couteront les travaux de recreusement, de transports, &c. & les mettre en balance avec le surplus des récoltes qu’il est en droit d’attendre après le dessèchement. Si le produit net est complètement inférieur, il doit y renoncer ; mais si les frais sont couverts par l’excédent de trois ou quatre récoltes, c’est mettre son argent à gros intérêts, & le champ doublera de valeur. Il faudra moins de travaux, & la recette sera de beaucoup plus forte par la suite. J’insiste sur cette manière d’opérer, parce que j’en ai vu des effets surprenans. Le pauvre cultivateur n’est pas en état de faire ces premières avances ; je le plains ; cependant, s’il le vouloit bien, il en viendrois à bout avec de la patience. L’hiver est si long dans plusieurs de nos provinces ! il y a un grand nombre de journées pendant lesquelles il ne peut pas labourer ; qu’il emploie ce temps à ramasser ou à charrier les pierrailles, à ouvrir autant qu’il le pourra & à prolonger le fossé magistral : ce qu’il ne fera pas dans une année, il l’exécutera dans une autre ; enfin petit à petit il parviendra à dessécher la possession.

Si ces débris de pierres ou grosses pierres que je préfère aux cailloux, enfin si les cailloux sont rares, comme dans plusieurs de nos provinces, il ne reste plus que la petite ressource d’ouvrir de larges fossés de ceinture, afin d’y dégorger les eaux du champ.

On peut à la longue parvenir à détruire le parallélisme du champ par les labours continués sur le même plan : ceci demande une explication. Ayez une charrue armée d’un fort versoir ou oreille, & capable de soulever la terre de six à huit pouces ; commencez à ouvrir le premier sillon sur le bord du champ, & l’oreille tournée contre le champ : continuez de labourer ainsi, en suivant le contour du champ entier. Lorsque la charrue sera arrivée au point dont elle est partie, faites entrer le soc