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yeux, & d’ignorer leurs moyens. Mes charrues sont fortes ; bien montées, tirées par de bons bœufs, & malgré cela, j’ai vainement tenté, même en mettant trois paires de bœufs, de parvenir à cette profondeur, je ne dis pas dans des terreins tenaces, comme l’argille, &c. mais dans de bons fonds ordinaires. L’on peut dire que leur plume sillonne mieux que leur charrue. Si on prend pour un pied de profondeur depuis le sommet de la terre remuée & montée sur le bord du sillon, jusqu’à sa base réelle, il n’est pas étonnant que l’on compte un pied ; mais ce n’est pas ainsi qu’on doit calculer, il s’agit de la profondeur réelle & intrinsèque du sillon, non comprise la hauteur de ses bords, puisque cette hauteur dépend du plus ou du moins, 1°. de la manière dont le laboureur tient sa charrue ; 2°. de l’écartement ou du rapprochement de l’oreille au versoir contre le corps de la charrue ; 3°. enfin de la longueur & hauteur que l’on donne à ce versoir. Je regarde donc toujours comme très-difficile ou comme impossible l’exécution de ces labours francs de douze pouces de profondeur. Admettons les possibles ; à quoi serviront-ils ? À trop ramener de terre-vierge sur la superficie, & à la longue, à épuiser le champ. Des exceptions particulières ne détruisent pas cette assertion générale. Afin d’éviter les répétitions, voyez ce qui est dit dans le premier chapitre de la quatrième partie de l’article Charrue, sur leur attelage, la manière de les conduire, & d’exécuter les différens labours pour lesquels on les emploie. Tome III, page 131.


CHAPITRE III.

Est-il plus avantageux de labourer avec des bœufs, ou avec des chevaux, ou avec des mules.


La solution de ce problème est facile, si on se dépouille de bonne foi de toute prévention contractée par l’habitude, ou si l’on voit & l’on examine les choses sans partialité.

Il est démontré en mécanique que l’homme ou l’animal quelconque, ne tire qu’en raison de son poids ou de sa masse : premier principe.

Il est encore démontré que la force de l’animal diminue, s’il n’est pas bien proportionné, & que plus il sera monté haut sur ses jambes, moins sa masse aura de force, attendu la foiblesse ou la disproportion des points d’appui : second principe ; d’où il seroit aisé d’en déduire plusieurs autres, & que le lecteur peut aisément supposer.

Prenons actuellement un bœuf & un cheval bien conformés, & de poids égaux ; je dis que le bœuf tirera plus que le cheval, parce qu’il est moins monté haut en jambes, parce que que ses membres sont plus ramassés, enfin parce qu’il tire du poids de tout son corps, puisque le joug est attaché à ses cornes, tandis que le cheval ne tire que par les épaules, soit avec un collier, soit avec un poitrail.

Il y a deux manières de faire cette expérience ; la première, de mettre l’un après l’autre chaque animal, par exemple, dans la grande roue d’une machine appellée grue : on verra alors qu’ils soulèveront le même fardeau,