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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/170

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ler de l’empire des Élamites, le peuple le plus ancien dont l’histoire fait mention, des Moabites, des Juifs, &c. nous savons seulement qu’ils possédoient de nombreux troupeaux, & nous ignorons s’ils se sont occupés de perfectionner les espèces, & par conséquent les laines.

Les Phéniciens, peuple toujours actif & vigilant, se livrèrent au travail des manufactures, & les colonies qu’ils établirent dans presque toutes les parties du monde, alors connues, y portèrent le fruit de leurs observations & de leur industrie. Les champs de l’Arcadie étoient déjà couverts, mille ans avant l’Ère-Chrétienne, d’un nombre prodigieux de troupeaux : la laine y étoit tellement estimée, de même que dans l’Afrique, qu’il n’étoit permis d’égorger que les vieilles brebis, & après les avoir tondues. Les Phéniciens transportèrent leurs manufactures dans l’isle de Malthe, où, suivant Diodore de Sicile, on fabriquoit des étoffes de laine fine, vingt-un ans avant Jésus-Christ. On peut raisonnablement penser que les Espagnols & les Portuguais doivent aux Phéniciens l’art de préparer les laines.

Rome eut à peine élevé ses murs, & nommé ses rois, que ses premiers soins se tournèrent du côté des bergeries ; & les troupeaux y furent en si grande considération, qu’on expioit le crime d’homicide par l’amende d’un bélier. Peuple féroce, la vie d’un citoyen n’étoit pas plus prisée chez vous que celle d’un animal !

Columelle, contemporain de l’empereur Claude, avoit en grande recommandation les brebis ; aussi il reproche sans cesse aux dames Romaines, énervées par la molesse asiatique, introduite dans Rome, de ne plus donner aucun soin aux bêtes à laine, & d’avoir perdu de vue l’exemple que Tanaquil, épouse de Lucius Tarquinus Priscus, leur avoit donné, en filant & lissant elle-même la laine pour l’habit royal de Servilus Tullius. Ces habits furent déposés après sa mort dans le temple de la Fortune, & son fuseau dans celui de Sancus. Les Romains ordonnèrent en son honneur, qu’une fiancée se présenteroit, avec son fuseau à la main, devant celui qu’elle devoit épouser, & qu’elle orneroit de festons de laine la porte de la maison de son futur.

Columelle dont on vient de parler, & natif de Cadix, est peut-être le premier qui se soit imaginé de croiser les races : la nation Espagnole lui doit ses belles laines. Ce grand homme, frappé de la blancheur & de l’éclat de quelques moutons sauvages, amenés d’Afrique à Cadix pour les spectacles, apperçut qu’il étoit possible d’apprivoiser ces animaux, & d’en établir la race dans sa partie. Il exécuta son projet, & accoupla des béliers africains avec des brebis espagnoles. Les moutons qu’il obtint avoient le moelleux & le délicat de la toison de leur mère, l’éclat & la blancheur de la laine de leur père.

La nation Espagnole touchoit au moment d’être une des plus puissantes de l’Europe, par le seul avantage de ses laines, lorsque les découvertes de Christophe Colomb la plongèrent dans une espèce de léthargie ; elle préféra l’or du Mexi-