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une demi-guinée pour chaque brebis qu’il lui faisoit couvrir, c’est-à-dire, un peu plus de 12 liv. argent de France. M. Robert Gilson avoir un bélier de la même race, & en 1766, on pavoit une guinée entière pour chaque accouplement. En tondant un agneau venu du premier de ces béliers, on tira vingt-deux livres angloises de laine fine. En Espagne on paie encore aujourd’hui un excellent bélier jusqu’à 100 ducats. C’est ainsi qu’en croisant sans cesse les races par des béliers forts & vigoureux, on est parvenu en Angleterre à avoir des laines de vingt, vingt un à vingt deux pouces de longueur, & un bélier à laine de vingt-trois pouces de longueur, a été vendu en Angleterre jusqu’à 1100 liv. De ces exemples on doit conclure, 1°. que le premier point & le plus essentiel, consiste dans la qualité supérieure du bélier ; que c’est lui qui propage la bonne qualité de la laine, & que sans lui elle dégénère. 2°. Qu’on ne doit lui donner à couvrir que des brebis reconnues très-saines, jeunes, c’est-à-dire, de trois ans, & jamais après sept ans. Le mâle ou la femelle, trop jeunes ou trop vieux, affoiblirent le troupeau, au lieu de le perfectionner : douze à quinze brebis suffisent à un bélier qui, dans le temps de l’accouplement, exige d’être largement nourri.

Si on peut faire teter deux mères au même agneau, il est certain qu’il deviendra plus fort que celui qui tétera une seule mère, sur-tout si son père & si sa mère étoient sains & dans l’âge convenable. L’accouplement bien ménagé, perfectionne donc & la charpente de l’animal, & la qualité de sa laine. Des expériences journalières ont prouvé que des béliers de 28 pouces de hauteur, accouplés avec des brebis de 20 pouces, ont produit des agneaux qui dans la suite ont eu 27 pouces de hauteur. Les mêmes expériences démontrent que de l’union des béliers dont la laine avoit 6 pouces de longueur, avec des brebis dont la laine n’avoit que 3 pouces, il résultoit des individus qui avoient une laine de cinq pouces à cinq pouces & demi de longueur. Les mêmes expériences répétées sur des brebis à laine commune & grossière, & couvertes par des bélers à laine superfine, il en est résutré des agneaux à laine fine & quelquefois de qualité supérieure à celle du père. C’est par de pareils procédés & par des soins assidus, que M. Daubenton a amélioré près de Montbard, un troupeau de trois cents bêtes, dont la laine étoit auparavant courte, jarreuse & mauvaise, & sur-tout en le laissant jour & nuit & pendant toute l’année exposé au grand air.

La manière de conduire le troupeau, & le choix des mâles pour l’accouplement, contribuent, comme on vient de le voir, à la forte constitution de l’animal, à l’augmentation de son volume, à la longueur & à la finesse de la laine, mais encore augmentent la quantité de la laine. En voici la preuve : un bélier de Flandres, dont la toison pesoit cinq livres dix onces, allié à une brebis du Roussillon, qui n’avoit que deux livres deux onces de laine, a produit un agneau mâle, qui dans sa troisième année en portoit cinq livres quatre onces six gros.