Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La manière d’engraisser dépend des pâturages : ici on sépare des troupeaux, en divers temps de l’année, les bêtes qui ont pris graisse naturellement dans les vaines pâtures, &c. ; là on retranche des troupeaux d’élèves, les moutons qui sont sur le point de dépérir, ainsi que les vieilles brebis, pour les placer dans des pâturages abondans ; elles y prennent de l’embonpoint en un mois ou six semaines au plus ; la qualité de la chair dépend beaucoup du canton.

Année commune, les ménagers du Languedoc font assez d’élèves pour remplacer les moutons que l’on vend ou qui meurent, & dans les cas de calamité, ils vont se recruter en Rouergue ou en Auvergne[1]. Dans plusieurs territoires, le long de la côte du Rhône, où la difficulté de faire des élèves est habituelle, on vend les agneaux à cinq mois, & on achette des brebis en Provence pour les remplacer.

Le gros mouton du Gévaudan, remarquable par son corps ramassé, pèse, gras, de cinquante à soixante livres ; celui des diocèses de Narbonne & de Béziers, de trente à quarante livres ; il est aussi mieux membré & plus râblé ; il a le cou long & la tête grosse, les jambes de même, les oreilles longues & larges ; sa forte complexion le met à l’abri de bien des maladies. Toutes les espèces du Languedoc se rapportent à trois classes ; la moindre, longue de vingt & quelques pouces, est du poids de vingt à vingt-deux livres ; la moyenne, de trente pouces, est du poids de vingt-huit à trente livres ; la grosse, pesant quarante, cinquante & soixante livres, est longue de trois pieds.

Il n’est pas possible d’asseoir un jugement invariable sur le prix, sur la finesse, sur la longueur & sur la couleur des laines d’un canton, parce que les espèces varient beaucoup, & que l’on prend très-peu de soin des accouplemens. Les belles laines de Narbonne, des Corbières, & du diocèse de Béziers, passent, à plus juste titre, pour être les plus fines du bas Languedoc, & elles égaleroient en finesse celles de Ségovie, si les propriétaires adoptoient la méthode espagnole, & étoient plus soigneux de leurs troupeaux, & sur-tout si les bêtes restoient exposées au grand air pendant toute l’année. Les laines sont achetées par les fabriquans de draps pour les échelles du Levant, sur le pied de treize ou quatorze sols la livre en suint. Les laines communes portent entre deux & trois pouces de longueur ; elles valent neuf à dix sols

    espagnole fût plus générale, & que les troupeaux ne restassent pas exposés au plein midi de l’été au milieu d’un champ à l’ombre d’un olivier ; l’animal se presse & se serre contre son voisin, afin de glisser sa tête sous son ventre, & la garantir de l’ardeur du soleil : dans cet état de gêne & de contraction, sa transpiration est très-considérable, & elle l’énerve. On ne doit donc pas être étonné du grand nombre de bêtes que l’on perd chaque année ; la chaleur étouffante des bergeries, & la grande activité du soleil, en sont la cause première & infaillible. Si la dixième partie des troupeaux de la plaine gravissaient les hautes montagnes, le local ne fourniroit pas assez de nourriture, parce que les habitans des montagnes & des plaines tiennent autant de bêtes, & trop souvent au-delà de ce qu’ils peuvent en nourrir.

  1. Il vaudroit beaucoup mieux aller en Roussillon, & encore mieux en Espagne : il n’est pas rare, année commune, de voir périr de sept à dix bêtes sur cent.