Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/224

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enlève sans peine jusqu’à la plus légère malpropreté. Que de lecteurs traiteront de minuties ces précautions, cette continuité de vigilance & de soins ! Je leur répondrai : la coutume une fois bien établie dans l’intérieur de votre métairie, se continuera sans peine si vous veillez à son exécution. Si le propriétaire compare ensuite la crème, le beurre, le fromage qu’il fabriquera dans une bonne laiterie, avec la qualité des produits qu’il retiroit auparavant, il sera forcé de convenir que la perfection tient à de très-petits détails, & qui ne sont ni plus coûteux, ni plus gênans que ceux qu’ils remplacent. La meilleure laiterie, je le répète, est celle qui est fraîche sans être humide, celle où la température de l’air varie le moins, enfin celle qui est moins sujette aux impressions successives de pesanteur ou de légèreté de l’atmosphère. J’ai dit plus haut qu’on devoit proscrire l’usage des vaisseaux de bois destinés à contenir le lait : cette proscription est juste, mais trop générale, parce que dans beaucoup de nos provinces, il n’est pas facile de se procurer des vaisseaux de faïence ou de terre vernissée ; lorsqu’on le peut, on doit les préférer à tous égards ; ils ne s’imprègnent pas, comme le bois, de l’odeur aigre, & il est plus facile de les laver & de les tenir propres : fraîcheur & propreté recherchées, sont les deux grands conservateurs du lait, de la crème, du beurre & du fromage. Le nombre des terrines ou vaisseaux de terre vernissée, doit être proportionné aux besoins du service journalier, & il convient d’avoir plusieurs terrines de réserve, afin de suppléer celles que l’on casse, ou dont le vernis se détache. Lorsque l’argile cuite, qui fait le corps de ces vaisseaux, se trouve à nud, car le vernis n’en est que la couverte très-mince, elle s’imprègne d’un goût & d’une odeur aigre, & dans cet état elle vaut moins que les vaisseaux de bois.

Quelques auteurs ont conseillé l’usage des vaisseaux d’étaim ou de plomb, comme moins dispendieux que les premiers. À parité, ils seront plus chers que des vaisseaux de terre vernissés ; mais comme ils dureront beaucoup plus, à la longue la parité de dépense deviendra égale. Je regarde cependant l’usage des vaisseaux de plomb & d’étaim comme dangereux, & bien plus encore celui des vaisseaux en cuivre. On sait que le lait contient un acide, masqué, à la vérité, quand il est nouvellement tiré ; que cet acide se manifeste aisément, & qu’il est très-sensible dans le petit-lait. Cet acide agit sur le plomb & sur le petit lait, change en chaux les parties qu’il corrode enfin, l’expérience a prouvé combien cette chaux étoit dangereuse, comment elle occasionnoit la terrible maladie appellée colique des peintres. On dira que cette chaux est un infiniment petit ; mais tous ces infiniment petits accumulés de jour en jour dans le corps, forment une masse qui produit des effets funestes & certains, quoique lents. Une chétive économie l’emporte ici sur la santé & sur la vie des citoyens. Quant au cuivre, il est inutile d’insister sur cet article ; personne n’ignore avec quelle facilité il se convertit en verd-de-gris, & combien il est dangereux. Les vaisseaux d’une laiterie doivent être larges & peu profonds ; on retire une plus grande quantité de crème de ceux-ci, que lorsqu’ils ont