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répandre sur un espace donné. Elle dépend du but que se propose le cultivateur. S’il désire avoir un lin long, fort, vigoureux, & qui produise de bonne graine, il sème moitié moins que lorsqu’il s’attache à la finesse, & à la qualité dont doit être la filasse. Le proverbe dit : Lin semé clair fait graine de commerce, & toile de ménage ; semé dru fait linge fin. Cette règle générale souffre peu d’exception ; cependant la nature du sol mérite d’être comptée pour quelque chose. Vingt-cinq livres, poids de marc, suffisent pour semer un champ de dix mille pieds de superficie, (on parle ici du pied-roi) & cinquante livres, si on veut avoir un lin bien fin. Chacun peut faire l’application de ces mesures à ses champs, parce qu’il sçait combien un arpent ou une septerée, ou une bicherée, &c. contiennent de pieds, tandis que le nom de ces mesures est inconnu à plus des deux tiers des habitans du royaume.

Dans plusieurs cantons, à la seconde, ou à la troisième récolte de lin, la coutume est établie de semer dans le même temps, c’est-à-dire au printemps, la graine de lin mêlée avec celle du grand treffle. Comme cette dernière plante prend très-peu d’accroissement, tandis que l’autre est sur pied, elle nuit bien peu à sa végétation. Cette ressource est interdite a nos provinces vraiment méridionales, & deviendroit aussi utile à celles du centre du royaume, qu’elle l’est pour les provinces du nord.

V. Des époques de semailles. On les divise en deux principales. On appelle, lin d’hiver, celui qui a été semé en septembre ou en octobre ; lin d’été, lorsqu’il a été semé en mars ou en avril, même en mai ou en juin, suivant le climat & la saison.

Plus le lin reste longtemps en terre, & plus sa filasse est fine, & meilleure en sera la graine. Ces avantages méritent une grande considération relativement à l’époque des semailles. Ni fête de saint, ni telle autre époque de la rubrique des cultivateurs ne doivent la déterminer. Cependant les semailles d’été ont lieu en général dans le courant de mars ou d’avril, au plus tard, & il est bien certain qu’en mars ou avril de l’année 1785, les semailles n’ont pu avoir lieu, à cause de la durée excessive des gelées.

Il vaut mieux différer le moment des semailles, lorsque la terre est trop humide & : le temps pluvieux. La terre seroit paîtrie par la charrue, comprimée par les herses ou par les rouleaux que l’on passe & repasse sur les sillons, après avoir semé, soit pour enterrer la graine, soit pour niveler la surface du champ. Il faut donc, autant qu’on le peut, choisir un temps sec.

Dans les provinces du midi, où l’on sème en septembre ou en octobre, on ne craint pas la trop grande humidité ; mais, en revanche, on a à redouter la sécheresse & à lutter contre la dureté de la terre, qui a été soulevée en mottes par la charrue. Le parti à prendre dans ce cas, est de faire suivre la charrue par des femmes ou par des enfans, armés d’un petit maillet de bois, longuement emmanché, avec lequel ils briseront les mottes, & les réduiront en poussière.

Un autre moyen est de labourer près-à-près, c’est-à-dire que celui qui conduit la charrue, doit lever très-peu de terre à la fois ; alors les bêtes auront moins de peine, pour-