Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/327

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l’excessive multiplication de ces animaux, mais produit peu d’effets. Si les loups sont trop nombreux, les communautés s’adressent à leur intendant, & demandent la permission de faire une battue à leurs frais, & rarement elle leur est refusée. Plus la battue est nombreuse, & moins elle a de succès, parce que le loup s’enfuit dès qu’il entend le bruit des chasseurs, & ils ont beau se poster avantageusement, l’animal se dérobe aux embuscades, & il est rare de compter trois ou quatre loups tués ou blessés dans ces battues.

Les battues se réduisent à un simple déplacement des loups, d’un lieu à un autre ; si elles sont faites au compte du roi, il en coûte immensément ou à la province ou au trésor royal, & le résultat n’est guères plus avantageux que celui des battues des communautés.

La louveterie est presque devenue une science qui consiste à former des équipages de chiens, soit pour courir après le loup, soit pour l’obliger à sortir de sa retraite, &c. Malgré toutes ces précautions, a-t-on moins de loups dans les provinces éloignées de la Capitale ? N’a-t-on pas vu, en 1761 ou 1762, les femmes & les enfans être attaqués par ces animaux, devenus redoutables pour tous ces cantons ? Dans une battue, composée de plus de quatre mille personnes, on tua cinq louvetaux, quelques renards, & on vit le loup carnassier, fuir, traverser le Rhône, & aller exercer ses ravages dans le Vivarais, où il fut tué quelques années après.

Le loup est si fin, si rusé, si adroit, qu’on réussit très-peu à le détruire par la force ouverte. Il a donc fallu recourir aux pièges. Je vais rapporter les descriptions des principaux, copiées du dictionnaire encyclopédique & économique, & j’indiquerai ensuite un moyen que je regarde comme infaillible.

Le meilleur piège est le traquenard. (Voyez ce mot) Avant de le tendre, on commence par traîner un cheval ou quel qu’autre animal mort dans une plaine que les loups ont coutume de traverser ; on le laisse dans un guéret ; on passe le râteau sur la terre des environs pour reconnoîtte plus aisément le pas de l’animal, & d’ailleurs le familiariser avec la terre égalée qui doit couvrir le piège. Pendant quelques nuits le loup rode autour de cet appât, sans oser en approcher ; il s’enhardit enfin : il faut le laisser s’y rendre plusieurs fois. Alors on tend plusieurs pièges autour, & on les couvre de trois pouces de terre, pour en dérober la connoissance à ce défiant animal. Le remuement de la terre que cela occasionne, ou peut-être les particules odorantes, exhalées du corps des hommes, réveillent toute l’inquiétude du loup, & il ne faut pas espérer de le prendre les premières nuits ; mais enfin l’habitude lui fait perdre sa défiance, & lui donne une sécurité qui le trahit.

Il est un appât qui attire bien plus puissamment les loups, & dont les gens du métier font communément un mystère ; il faut tâcher de se procurer la matrice d’une louve en chaleur ; on la fait sécher au four, & on la garde dans un lieu sec. On place ensuite à plusieurs endroits, soit dans le bois, soit dans la plaine, des pierres, autour desquelles on répand du sable ; on frotte les semelles de ses souliers avec cette matrice, & on en frotte bien sur