Règle générale, on ne doit faucher que lorsque la plante est en pleine fleur. Avant cette époque la plante est trop aqueuse, & ses sucs mal élaborés. Cette époque passée, elle devient trop sèche & trop ligneuse.
Il en est de la fauchaison des luzernes, à-peu-près comme de celle des soins. On la donne à prix fait, ou on fait le prix à journées. Ce dernier parti est bien plus dispendieux mais le travail en vaut mieux. Les ouvriers à prix fait n’ont d’autre but que de vite gagner leur argent ; alors, pour expédier le travail, ils coupent trop haut, & laissent des chicots qui nuisent essentiellement au collet de la racine, par où doivent sortir les nouvelles tiges. Le collet de la racine est recouvert de mammelons qui deviennent successivement des yeux & ensuite des bourgeons, les chicots se dessèchent, & font périr les mammelons qui les environnent ; c’est pourquoi il est de la plus grande importance, lorsqu’on a semé la graine, de faire régaler exactement la superficie de la luzernière, de n’y pas laisser parcourir le gros bétail après la dernière coupe & pendant l’hiver, lorsque la terre est trop humide ; le sommet de la racine, ou la tête de la plante cède à la pesanteur, à la pression de leurs corps, & leurs pieds les enfouissent avec la terre qu’ils compriment. On sent bien que la faulx passant sur ces petites fosses, ne peut aller chercher le collet des tiges, & qu’ainsi il doit rester beaucoup de chicots, & que la luzernière doit en souffrir. Si ces fosses sont très-multipliées, il convient, à la fin de l’hiver, de faire passer plusieurs fois consécutives, la herse à dent de fer, sur le champ, afin de les combler, & encore de labourer légèrement la superficie, & de herser ensuite. Ce petit travail a bien son mérite, & la beauté de la luzerne dédommage amplement, dans la première coupe, des frais de labourage.
Si la saison le permet, si on a à sa disposition le nombre de faucheurs convenable, les charrettes & les animaux nécessaires, il faut choisir un bon vent du nord, un jour clair & serein, enfin, un temps assuré, & se hâter de couper pour en profiter. Il vaut mieux payer quelques sols de plus par journées, ou par prix fait, afin d’être servi lestement. La luzerne coupée & mouillée par les pluies, perd, en grande partie, ou totalement sa couleur verte, sur-tout, s’il y a eu des alternatives de pluies & de soleil elle perd alors réellement en qualité intrinsèque, & plus encore en valeur aux yeux de l’acheteur.
En admettant qu’elle ait été coupée dans les circonstances les plus favorables, & qu’elle paroisse bien sèche, on ne doit jamais la lever de dessus le champ, pour la mettre sur la charrette & l’enfermer, qu’après que le soleil aura, pendant quelques heures, dissipé la rosée. Si la chaleur est trop vive, & la luzerne trop sèche, on court le risque de laisser sur le champ une grande partie de ses feuilles, & de n’emporter que des tiges ; cependant la bonté de ce fourrage tient beaucoup à ses feuilles. Ainsi, autant que les circonstances pourront le permettre, on ne doit pas manier ou botteler la luzerne dans le milieu du jour, sur-tout pendant les grandes chaleurs de l’été. Cette exception est plus ou moins essentielle, & relative au climat que l’on habite.
Un autre point, non moins essentiel, & qui entraîne après lui