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des fours n’ont presque plus rien à faire ; les poulets vivent fort bien deux jours sans avoir besoin de nourriture ; ce temps suffit pour les livrer aux personnes qui ont fourni les œufs, ou pour les vendre à ceux qui en veulent acheter.

Le climat heureux de l’Égypte dispense de prendre des précautions bien pénibles pour élever les poulets nouvellement éclos ; le plus grand soin qu’ils exigent, c’est celui de leur fournir une nourriture convenable. Paul Lucas (Tome II, page 9) prétend qu’on les nourrit dans les commencemens avec de la farine de millet.

Les conducteurs des fours, comme il a déjà été observé, mettent dans la galerie D D (fig. 1) les poussins qui leur appartiennent, & qu’ils veulent élever dans le premier âge avec plus de soin ; la chaleur douce qu’ils y éprouvent doit contribuer à les fortifier en peu de temps.

Tels sont les procédés au moyen desquels les Égyptiens savent multiplier, à leur gré, une espèce aussi utile que celle des oiseaux de basse cour : on comprend que leur art doit également réussir sur toutes les sortes d’oiseaux dont elles sont fournies, comme oies, canards, dindons, &c.

Selon le P. Sicard, les seuls habitans d’un village nommé Bermé, situé dans le Delta, ont l’industrie de conduire les fours à poulets ; ils se transmettent les uns aux autres la pratique de cet art, & en font un mystère à tous ceux qui ne sont pas du village : la chose est d’autant plus croyable, que, ne conseillant pas l’usage du thermomètre, le tact seul & une longue habitude peuvent les guider sûrement dans leurs opérations.

Lors donc que la saison est favorable, c’est-à-dire vers le commencement de l’automne, trois ou quatre cens Berméens quittent leur village, & se mettent en chemin pour aller prendre la conduite des fours à poulets, construits dans les différentes contrées de l’Égypte ; ils reçoivent pour leur salaire la valeur de quarante ou cinquante écus de notre monnoie, & sont nourris par les propriétaires des fours où ils travaillent.

L’ouvrier ou directeur des fours est chargé de faire le choix des œufs, pour ne conserver que ceux qu’il croit propres à être couvés ; il ne répond que des deux tiers de ceux qu’on lui confie. Ainsi le propriétaire remettant, par exemple, quarante-cinq mille œufs entre les mains du Berméen, directeur de son mamal, n’exige de lui que trente mille poussins à la fin de la couvée ; mais comme il arrive presque toujours que les œufs réussissent au-delà des deux tiers, tout le profit n’est pas pour le directeur, le propriétaire y a sa bonne part ; il rachette de son fournier pour six médins (environ neuf sous de notre monnoie) chaque rubba, ou trentaine de poussins éclos au-delà des deux tiers, & il les vend tout au moins vingt médins ou trente sols de notre monnoie.

Chaque mamal a vingt ou vingt cinq villages qui lui sent annexés ; les habitans de ces villages sont obligés d’apporter leurs œufs à leur mamal respectif ; il leur est défendu, par l’autorité publique, de les porter ailleurs, ou de les vendre à d’autres qu’au seigueur du lieu, ou aux par-